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samedi 5 septembre 2009

Algérie : Les politiques publiques en direction de la jeunesse

Émeutes dans la rue, fermetures de mairie, coupure de route à grande circulation par des manifestants, enfin, toutes sortes d’instruments et de méthodes visant à attirer l’intention des pouvoirs publics sur l’état social peu enviable de la jeunesse algérienne sont sollicités y compris en ces journées chaudes de Ramadhan. Au moment où le gouvernement, après s’être félicité des résultats des deux premiers quinquennats, planche sur le nouveau programme de développement touchant aux horizons de 2014, des cris de détresse de la jeunesse algérienne montent, fusent et se répandent même s’ils ne parviennent pas aux oreilles chastes des responsables politiques et des gestionnaires économiques.

Dans ses deux rapports présentés depuis l’année dernière à la présidence de la République, la Commission nationale de la protection et de la promotion des Droits de l’homme a mis l’accent, au vu du climat des émeutes à répétions sur l’ensemble du territoire national, sur le risque d’une explosion sociale. Le moteur de cette dernière si, à Dieu ne plaise, elle survenait, sera bien la jeunesse avec ses différentes composantes.

En tout cas, l’insistance sur les droits sociaux constatée dans le rapport de monsieur ‘’Droits de l’homme’’ n’est pas une coquetterie ou une simple annexe d’un document que dicterait une volonté de faire diversion par rapport aux droits politiques et syndicaux. L’expérience algérienne en matière de démocratie politique est, dans ce contexte, assez parlante pour dire combien les liens entre les luttes sociales et les revendications des libertés politiques sont consubstantiellement liées.

Le retard dans l’accès à la modernité politique qui libérerait la jeunesse algérienne du poids des archaïsmes est largement soutenu et sustenté par le sous-développement économique et social ; en d’autres termes, par la faiblesse du niveau de développement humain. Ce concept de développement humain- manié depuis maintenant plus de deux décennies par les démographes, les géographes, les sociologues, les médecins, les écologues,…-, commence à peine à faire son entrée dans les administrations des États du Sud.

L’un des signes que le secteur de la jeunesse constitue aujourd’hui une priorité pour le pouvoir politique est cet empressement d’Ahmed Ouyahia, dès sa nomination en été 2008 à la tête du gouvernement, à réunir les directeurs des banques pour étudier avec eux les raisons du recul et des lenteurs des micro-crédits destinés aux jeunes diplômés.

Ce mouvement de recul du micro-crédit serait essentiellement lié à la réticence des banques de prendre en charge un financement qui manquerait de garanties de remboursement. Ce serait quelque part paradoxal de soumettre ce genre de crédit- supposé bénéficier à des jeunes sans ressources- aux règles hypothécaires ou prudentielles développées par les banques à l’endroit de n’importe quel crédit d’investissement.

Ce sont les mécanismes établissant une autre forme de solvabilité, ( étude de la validité réelle du projet à financer pour évaluer les possibilités de remboursement, assurances à donner éventuellement par les pouvoirs publics,…) qu’il y a lieu d’imaginer pour éviter les blocages de ce genre, mais aussi pour ne pas pénaliser les banques dont l’activité est censée obéir aux règles de la commercialité. Par ailleurs, au sein des établissements financiers publics, les capacités d’imagination et de management sont actuellement les ‘’denrées’’ les plus demandées surtout lorsqu’on sait que les surliquidités y ont atteint un seuil anormalement élevé, soit, à la fin 2008, un montant de 1 400 milliards de dinars. Le Fonds monétaire international et M.Ahmed Ouyahia eurent à déplorer cette situation de manque à gagner qui grève l’escarcelle des banques publiques algériennes.

Un système hermétique

Même si la tendance démographique de notre pays a enregistré au cours de la dernière décennie une sensible évolution - début d’un lent processus de vieillissement de la population suite à un ralentissement de la natalité, au recul de la mortalité et à l’allongement de l’espérance de vie- la frange de la jeunesse continue à représenter la proportion la plus importante de la population, à savoir plus de 70%. Il n’est donc pas étonnant que les plus gros budgets de la Nation lui soient réservées via, par exemple, des secteurs comme celui de l’Éducation, de la Formation professionnelle et de la Jeunesse et des sports

En tout cas, sur le plan de la stratégie économique du pays, tous les efforts de la collectivité sont censés tendre vers la garantie d’un avenir meilleur pour les jeunes générations. Cela étant un principe non seulement moral mais aussi de la logique de la continuité générationnelle qui fonde la permanence d’une entité humaine et d’un pays.

Après presque trois décennies de navigation à vue et de populisme qui ont fait vivre le pays dans une illusion de prospérité par la seule grâce de la rente pétrolière, les Algériens se découvrent en réalité socialement, économiquement et psychologiquement démunis face aux nouvelles réalités imposées par la libéralisation de l’économie et la mondialisation des échanges et de la culture.

Il demeure incontestable que les premières victimes d’un système présenté comme étant ‘’universel’’ sont les jeunes. Happés par le clinquant de la civilisation occidentale-dont on ignore les fondements et les humanités-, les jeunes Algériens ont le monde virtuel à leur portée par le truchement de moyens technologiques dont le secret de fabrication nous échappe totalement, pour rêver, faire des projets chimériques, bâtir des châteaux en Espagne ; bref, délirer.

La vie par procuration a fini par dénaturer et abîmer le lien des jeunes avec la réalité de leur pays. Cela a un nom : l’aliénation. Cependant, les Algériens sont-ils à blâmer, eux qui se défendent en se disant qu’ils sont victimes d’un système, système au sein duquel tout le monde avait, un moment, trouvé son compte ? L’opportunisme et la médiocrité, suivis de leur corollaire obligé, la corruption, ont longtemps constitué, dans une terrible connivence létale, les règles de conduite des groupes sociaux et des institutions.

Le résultat n’étonne personne. Comme par un déterminisme bien réglé- et après le soulèvement de la jeunesse en octobre 1988 et les ébauches de la libéralisation de l’économie dont une partie du processus est vécue sous le règne du terrorisme armé-, la nouvelle situation économique et sociale de la jeunesse n’a pas tardé à montrer sa face hideuse : des cohortes de chômeurs primo-demandeurs d’emploi, dont une grande partie est issue de l’université, de nouveaux chômeurs issus de la fermeture des entreprises publiques, le banditisme dans les villes et même dans les villages de campagne, le commerce et la consommation de la drogue, les agressions contre les femmes et les personnes âgées, un taux de suicides historique jamais connu auparavant et, enfin, dernier avatar d’une déréliction humaine que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter, l’émigration clandestine via le réseau de ‘’harragas’’.

Séminaires et journées d’études se succèdent pour décrypter, diagnostiquer et traiter les problèmes de la jeunesse sans qu’une politique cohérente ait pu imposer sa démarche et obtenir les suffrages des concernés.

À la limite du soutenable

Le pouvoir politique du parti unique répondit, après les journées d’octobre 1988, par le multipartisme et l’ouverture de l’économie nationale sur le marché, et ce, pour absorber la colère d’une jeunesse désargentée exprimée dans la violence. Les jeunes n’exprimèrent pas de besoin particulier en la matière. Ce fut surtout dans la confusion la plus extrême que la jeunesse algérienne mal encadrée s’en prit aux signes extérieurs de l’autorité et de l’État, des attributs dans lesquels elle voyait le règne de l’arbitraire qui la poussa aux limites du soutenable.

Malgré des distinctions observables dans tous les secteurs de la société, les histogrammes du niveau de vie établissaient une classe moyenne assez consistante et des pôles de riches et de pauvres peu visibles. Une certaine perversion des concepts a fait que l’on parle aujourd’hui d’une classe moyenne, réduite à la portion congrue, qui constituerait l’ossature de la démocratie politique. L’erreur réside dans le fait que cette classe n’est pas issue de luttes sociales particulières et que, pour tout dire, cette catégorie est tout simplement factice vu que l’économie algérienne n’était pas basée sur la production mais sur la rente pétrolière. L’autre évidence est que le système politique de l’époque n’était pas un parangon de démocratie.

Les premières brèches vers ce qui sera appelé par la suite l’économie de marché furent ouvertes avec la restructuration, au début des années 1980, des grandes entreprises étatiques héritées de l’ère Boumediene. Après la récession économique générée par la chute du baril de pétrole en 1986, le pouvoir politique de Chadli s’attaquera au privilège symbolique accordé à la jeunesse d’alors : l’allocation touristique. Certains n’hésitent pas à établir une relation, ne serait-ce qu’indirecte, entre cette mesure ‘’anti-populaire’’ et les événement d’octobre 1988. Le pouvoir politique s’attellera également à la séparation nette des entreprises publiques de l’ancienne tutelle encombrante de l’administration.

Le reste de la démarche de la libéralisation frappera la jeunesse de plein fouet. Après le licenciement de près d’un demi-millions de travailleurs des entreprises publiques, l’espoir des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi s’amenuisera. Pour ceux qui ont passé des années à l’université et qui ont espéré prolonger leur labeur par la satisfaction d’avoir un emploi, la déception et la désillusion sont incommensurables. Ils sont même raillés aussi bien par leurs parents, qui continuent à les nourrir à l’âge de 28-30 ans, que par d’anciens camarades de l’école primaire que l’abandon de la scolarité a poussés vers la débrouillardise. Cette dernière s’illustrera par l’exercice de différents métiers, souvent dans l’informel, qui n’exigent qu’un sens pratique et une certaine hardiesse, deux ‘’qualités’’ qui manquent souvent terriblement aux diplômés que l’on a ‘’emprisonnés’’ dans un statut sans prolongement pratique dans la réalité.

Les déficits d’une politique

Le sentiment de frustration et d’injustice est inévitablement amplifié par les richesses ostentatoires de nouveaux ‘’parvenus’’, y compris dans la frange de la jeunesse. Car, une minorité de cette dernière a pu sortir sauve de la terrible épreuve qui a frappé de plein l’ensemble des populations algériennes. Ceux dont les parents ou grands-parents bénéficient de la rente en euros, les enfants de la ‘’nomenklatura’’ et d’autres sous-catégories ont pu ‘’rouler carrosse’’, fréquenter l’école privée en Algérie et faire les universités étrangères.

Le marasme ne faisait que grandir face à des distinctions sociales peu tolérables au point où des lignes de fracture graves au sein de la société ont vu le jour. Cette ‘’rupture de charge’’ se produisit au moment même où montaient les périls pour l’ensemble de la société : application du Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI (comportant nouveaux licenciements, gel des salaires et libération des prix), subversion terroriste et flottement sur le plan politique.

L’action de la solidarité nationale, tout en s’accroissant chaque année par de nouvelles formules aussi alléchantes les unes que les autres, est relativisée nécessairement par au moins deux données essentielles : le caractère éphémère et précaire des dispositifs mis en place et le manque d’équité générée par une bureaucratie tatillonne et toujours clientéliste.

Par-delà donc une politique sociale appelée faire preuve de beaucoup plus d’efficacité et d’équité, c’est la politique générale développée en direction de la jeunesse qu’il y a lieu de refonder sur les principes de la bonne gouvernance.

Le potentiel juvénile algérien, happé par le vent de l’émigration clandestine, le suicide et le banditisme, ne pourra plus être tenu à la marge sans faire courir à toute la collectivité des dangers de régression et de dissolution certains.

La bonne gouvernance est, dans ce cas de figure, le nouveau concept forgé pour prendre en compte l’action des institutions politiques, le déploiement des structures économiques et l’action de la société civile et du monde associatif pour asseoir une société équilibrée basée sur les principes de la justice sociale et de l’égalité des chances.

Les problèmes de la jeunesse ne relèvent pas de la fatalité. Un développement cohérent, imaginatif et déconcentré est censé embrasser et traiter efficacement les problématiques où sont fortement représentés les jeunes : la création de micro-entreprises, le renforcement de la formation/qualification adaptée au marché de l’emploi, la prise en charge soutenue du secteur de la culture (renforcement du réseau de librairies, encouragement de la lecture, création de médiathèques,…) et la généralisation des infrastructures et équipements sportifs.

Quels horizons ?

Toutes les politiques et les initiatives qui, pendant les premières décennies post-indépendance, auraient dû valoriser cette fougueuse énergie et l’enraciner dans les réalités culturelles et économiques de notre pays ont manifestement manqué de visibilité, de pertinence et de stratégie d’intervention.

L’émancipation économique, la libération culturelle et la promotion sociale de la jeunesse algérienne ne peut se concevoir en dehors de la formation et de la qualification, lesquelles sont à même d’exprimer et de cristalliser l’énergie, le talent et les compétences de cette importante frange de la société.

L’on ne peut ainsi focaliser les regards sur la réhabilitation des valeurs du travail, l’insertion dans l’économie mondiale et la recherche de politiques alternatives à la rente pétrolière sans prendre en compte le volet de la formation qui est considérée aujourd’hui de par le monde comme une condition sine qua non de tout progrès économique et social.

Dans le contexte actuel de l’économique nationale, le problème se pose en termes d’adéquation entre le système d’enseignement et le marché du travail. Cette notion d’adéquation a, il est vrai, fait défaut par le passé du fait que l’ensemble des diplômés avaient leurs débouchés pris en charge par l’État, principal employeur du pays.

Cette situation se trouve largement dépassée aujourd’hui. La fonction publique ne recrute que parcimonieusement dans les limites des postes budgétaires évoluant toujours vers la baisse.

Quant au secteur privé, même si les lois du travail tardent à être respectées par l’ensemble des intervenants, la tendance et le principe même de l’employabilité est intrinsèquement lié à celui de compétence et de productivité.

Et c’est dans de pareilles situations que le déficit de formation apparaît au grand jour particulièrement dans des métiers qui exigent une certaine technicité d’exécution.

En tout cas, le véritable emploi, qui donne dignité et traitement salarial à la mesure des besoins de consommation, ne peut provenir que des investissements et de la création des entreprises.

Cependant, avec les handicaps d’une formation professionnelle qui commence à peine à reconnaître ses retards et lacunes et des études universitaires d’un niveau et d’un profil qui n’encouragent pas encore l’insertion dans le monde du travail, le cercle vicieux du ‘’non emploi’’ est vite redessiné.

Amar Naït Messaoud

La maison brûle et nous regardons ailleurs

Du 20/06/2009 au 21/08/2009 : l’Algérie a enregistré 33 cas de grippe A « N 1 H 1 »(1) et pour gérer l’éventuelle pandémie, le ministère de la santé a instauré un plan de bataille digne d’être salué.

• Communication à outrance : numéro vert, site Web, communiqués de presse ... • Caméras thermiques dans les ports et aéroports, Commande de 65 millions de doses de vaccin, • Achat de 35 millions de masques ... Du 20/06/2009 au 12/08/2009 l’Algérie a enregistré sur ses routes environ 630 morts dont des familles entières décimées — et 6300 blessés(2). Et à part un texte par-ci (encore un, alors que le précédent n’a jamais été mis en application), une déclaration de circonstance par-là et une gestion au jour le jour, rien de nouveau pour contrer SERIEUSEMENT ce problème de santé publique.(3) Pour une pandémie à « N » variables et loin de faire l’unanimité entre les scientifiques sur sa dangerosité, l’Etat a pris ses responsabilités selon le principe de précaution, tandis que pour une « pandémie » bien réelle, à la comptabilité macabre, aux conséquences effarantes tant sur le plan humain que matériel, aucune lisibilité n’apparaît dans la gestion du phénomène à part l’approche répressive qui frappe les esprits mais ne résoud rien, même si elle s’avère nécessaire parfois. Notre conviction est que le volontarisme, l’amateurisme, les effets d’annonce et l’émotionnel ne peuvent constituer une politique intelligente à même de juguler cette hécatombe.

1 - L’ampleur de la tragédie

« Un total de 127 049 personnes ont été tuées et 1 430 503 blessées dans 1 190 831 accidents de la route survenus en Algérie entre 1970 et 2007. On dénombre également 130 000 handicapés. »(4) Ces chiffres font froid dans le dos et sont encore loin de la réalité, puisqu’en Algérie on comptabilise uniquement les morts sur le lieu de l’accident alors que selon la législation européenne, on prend en compte tous les décès jusqu’à trente jours après un accident. On pourrait imaginer que le nombre de blessés qui décèdent est fort important et que les bilans annuels présentés ne reflètent pas la réalité. « Le coût annuel des accidents de la circulation a été estimé par le ministère des transports à plus de 75 milliards de dinars. »(5) Mais surtout, chaque mort est un drame humain, chaque handicapé est un chamboulement dans la vie des familles. Et ces tragédies perdureront loin des feux de la rampe, vécues au quotidien sans « cellule de soutien », sans prise en charge médicale conséquente, sans soutien social avéré. Les familles touchées dans leur chair auront à faire face seules à ces imprévus de la vie. L’ampleur est donc d’abord humaine.

II - À facteur humain, humain,approche psychologique

« Le facteur humain est à l’origine de plus de 90,15% des accidents de la route en Algérie contre 3,65% pour les défaillances des véhicules et 4,23% pour l’environnement. » (6) Ces données sous-tendent que si on veut prendre en charge les accidents de la circulation en Algérie, c’est à ce facteur humain qu’on devrait s’intéresser prioritairement. Ce qui fait qu’on est un bon artisan c’est la connaissance approfondie de la matière d’œuvre sur laquelle on travaille. Ce qui permet à un bon éducateur d’éviter les maladresses éducatives (plus graves que les malfaçons matérielles) c’est sa connaissance parfaite de ses élèves, et son adaptation stricte à leurs besoins. Un acte éducatif qui n’est pas efficace est un acte gratuit qui n’a pas de sens ; et ainsi, un minimum de bon sens veut que, pour fonder le choix des mesures appropriées pour gérer habilement la violence routière, rien ne peut remplacer une bonne connaissance des pratiques et de la psychologie des usagers de la route : conducteur, cycliste / motocycliste et piéton.

Conduire un véhicule, une moto, un vélo ou circuler en tant que piéton (surtout en milieu urbain) sont des activités complexes. Cela nécessite de la part du conducteur ou du piéton un traitement permanent de l’information pour permettre une adaptation aux conditions de circulation motorisée ou piétonne. L’usager de la route se trouve dans un espace partagé (et malheureusement, chez nous, cette notion est loin de faire l’unanimité puisque chacun se donne le droit « d’adapter » la règle selon ses convenances), et comprendre son comportement nécessite des études pour relever comment il ressent, prévoit et comprend la route. L’approche psychologique, préconisée présentement, permettra de :
- Comprendre le comportement agressif, la prise de risques, la transgression des règles de l’usager de la route ... qui sont autant de causes des accidents. Cette compréhension permettra de tracer les différents profils des usagers.
- Prédire les réactions de cet usager et sa conduite dans les différentes situations auxquelles il est confronté.
- Modifier les travers relevés.

En un mot, faute de diagnostic, aucune thérapie ne peut être efficace. La réglementation destinée à une société précise avec ses spécificités, sa psychologie, son environnement ne saurait être efficace avec cet éternel jeu du « copier/coller » de nos différentes réformes : Actuellement (et en réalité, depuis toujours), la prise en charge du phénomène accidents de la route fait l’objet d’une gestion mécaniste (recours fréquent à des réglementations formelles, centralisation de la prise de décision, définition étroite des responsabilités attribuées à chaque fonction et rigidité de la voie hiérarchique) qui n’a produit aucune amélioration sur le terrain. Et au lieu de changer de stratégie, les pouvoirs publics continuent à promulguer des textes pensés et conçus dans des bureaux très loin de la réalité du terrain. Il ne suffit pas de durcir une réglementation pour la voir produire les effets escomptés. « Il faut compter avec ceux qui l’appliquent et ceux qui sont censés la respecter. Et ces deux catégories sont loin de jouer le jeu. Parce qu’ils ne veulent pas/parce qu’ils ne peuvent pas ? Cette rigidité dans la gestion du problème conduit tout droit à des situations kafkaiennes tel ce fameux permis à points qui en est l’exemple type (cela fait chic d’avoir un permis à points et l’effet d’annonce est assuré) : Pour initier toute réforme, nos décideurs ont le look de nous importer « clé en main » des pseudo réformes sans aucune étude de terrain :
- est-ce notre bureaucratie actuelle qui n’arrive même pas à se faire payer les P-V qui gérera les points ? (seules 22% des amendes rédigés en 2007 ont été payées par les contrevenants.)(7)
- qui comptabilisera les points enlevés, qui informera le contrevenant ... Même si c’est à juste titre qu’ils sont pénalisés, il serait fort intéressant de connaître la liste des gens concernées par les retraits de permis ou qui payent leurs P-V. On peut aisément imaginer à quelle classe sociale ils appartiennent et quel est leur statut social. En pédagogie, une notion basique souligne que la menace non suivie d’effet, provoque plutôt le ricanement et l’insolence ouverte. Très vite, celui qui l’emploie est le seul à faire semblant d’y croire et il sombre dans le ridicule. Il ne faut jamais brandir sans cesse les foudres de carton des sanctions dont l’usager verra bien qu’elles n’ont rien de redoutable.

III - Pistes de réflexion

Afin de contribuer au débat sur la transgression des règles de conduite, nous avançons quelques pistes de réflexion susceptibles d’expliquer, un tant soit peu, le comportement suicidaire de l’usager de la route algérien. Ces hypothèses demandent à être vérifiées sur le terrain.(8)

1 - L’anomie :

La conduite dangereuse, la harga, le kamikaze, les violences dans les stades, les émeutes et le suicide relèvent à notre sens de la même problématique et ont pour facteur commun l’anomie. Du grec « a » : absence de, et « nomie » : nom, loi, ordre, structure, l’anomie désigne l’état d’une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l’ordre social. Notion introduite par Emile Durkheim pour expliquer le suicide, elle est « assez courante quand la société environnante a subi des changements importants dans l’économie, que ce soit en mieux ou en pire.. et plus généralement quand il existe un écart important entre les théories idéologiques et les valeurs communément enseignées et la pratique dans la vie quotidienne »(9) Sans entrer dans les détails, il nous semble que cette définition sommaire de l’anomie cadre parfaitement avec les données locales. Les normes sociales qui devraient assurer la cohésion sociale ne sont plus qu’un lointain souvenir, et la politique du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » correspond à l’écart incommensurable entre ce qui est prôné et la pratique au quotidien. Résultats des courses : « tag ala men tag » dira le commun des mortels, et comme chaque Algérien à en tête la formation type de l’équipe nationale susceptible de nous qualifier au Mondial 2010, chaque « citoyen » a ses propres règles ... son propre code de la route.

2 - Eros VS Thanatos

L’émergence des pulsions de mort, représentées par Thanatos. Ces dernières, tournées d’abord vers l’intérieur et tendent à l’autodestruction, seront dirigées dans un deuxième temps vers l’extérieur et se manifestent alors sous la forme de la pulsion d’agression ou de destruction,

3 - Prises de risques(10)

Jean-Pascal Assaill y pressent des facteurs familiaux et sociaux qui favoriseraient ou défavoriseraient l’expression de la prise de risques chez les jeunes. A travers cette approche, et en s’appuyant sur les théories du contrôle social et de la perte du lien social ainsi que sur celles de l’apprentissage social, il en arrive à énoncer que « le jeune s’engage dans le danger et la prise de risques ou dans la transgression de la loi parce que la prise de risques et la transgression lui semblent attractives, excitantes et que les bénéfices perçus l’emportent sur les coûts perçus. » De son côté, Delphine Lafollie, en faisant référence à la théorie de l’autorégulation de Carver, discrimine deux grands types de preneurs de risques : a- ceux pour lesquels la prise de risques est une aide à la construction identitaire (compensation) b- ceux pour lesquels le risque correspond à une fuite de soi-même et de ses problèmes (fuite). La mise en évidence de ces déterminants à la prise de risque ou des fonctions du risque semble un préalable indispensable à toute démarche de prévention.

En guise de conclusion

Le triptyque proposé pour une approche psychologique du phénomène accident de la route en Algérie : comprendre, prédire, modifier semble tout indiqué pour permettre la mise en évidence des facteurs et déterminants qui président aux comportements dangereux des usagers de la route et ceci d’autant plus que toute action préventive qui se veut efficace se doit de déchiffrer les comportements des usagers de la route, pour les prévoir afin de les transformer. La violence routière (ainsi que toutes les autres violences sociales) en ce qu’elle représente comme danger, prise de risques, transgression de la loi ne saurait se suffire d’une réponse basée uniquement sur la répression. Cette dernière ne fera que renforcer ces comportements suicidaires, car conçue loin d’une compréhension des motivations des transgresseurs. Deux mondes parallèles semblent se côtoyer en Algérie sans jamais se rencontrer :
- celui des gestionnaires cloîtrés dans leurs bureaux en train de produire une quantité de textes que personne n’appliquera et qui sont plus enclins à sévir qu’à comprendre et très loin d’anticiper ou de concevoir une politique proactive.
- Celui d’une foule, qu’on n’a pas su transformer en société, qui aimerait avoir de l’espoir et qui, faute d’être entendue, et comme le prévoit Alfred Adler « faute d’avoir des occasions de réussire se réfugie dans une sorte de fuite devant la vie qui se manifeste par la discussion de tout ce qui est estimé par les autres. » La valeur d’une éducation se mesure au degré de socialisation de l’individu : donner à la société autant qu’il en reçoit ; et chaque responsable, à son niveau de pouvoir devrait toujours avoir à l’esprit que : « [le] pacte social ... se réduit aux termes suivants : chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. »(11) Mais Rousseau rajoute que « l’autorité du législateur, pour être respectée, suppose déjà un certain esprit social. »(12), ce qui n’est pas forcément le cas chez nous.

Notes de renvoi :

1) Déclaration du ministère de la Santé, presse nationale.

2) Avec une moyenne de 10 morts et 100 blessés/jour

3) Rapport de situation sur la sécurité routière dans le monde. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2009. www.who.int/fr. L’Algérie, malgré plusieurs sollicitations, n’a pas estimé nécessaire de collaborer avec l’agence onusienne - El Watan 18/06/2009.

4) journée d’étude portant sur les aspects juridiques des accidents de la route, organisée le 28/12/2008 à la maison de la culture Mouloud Mammeri par l’association de prévention routière « Les amis de la route » de la wilaya de Tizi Ouzou. »

5) Déclaration de la directrice de la valorisation, de l’innovation et du transfert technologique, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique - APS 13/04/2009.

6) Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR), cité par l’agence APS. 01/06/2009

7) Presse nationale.

8) Le laboratoire « Psychologie de l’usager de la route » vient d’être agréé très récemment par le M.E.S.R.S. et nous nous investissons dans cette optique de la recherche.

9) Source : Wikipedia

10) 10ème CONGRES ACAPS _ 30 octobre - université Paul Sabatier - Toulouse - Symposium 11 : « Déterminants psychosociologiques de la prise de risques. »

11) Jean-Jacques Rousseau (1762), « Du contrat social ou principes du droit politique », p12, version numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie, Courriel : jmt sociologue@videotron.ca, Site web : http://pages.infinit.net !sociojmt

12) Emile Durkheim « Le contrat social de Rousseau », p. 48, Version numérique par Jean-Marie Tremblay, Professeur de sociologie au Cégep de Chic ?utimi, Courriel : jmt sociologue@videotron.ca, Site web : http://pages.infinit.net !sociojmt.

Par Med El Hadi, Rahal Gharbi

jeudi 3 septembre 2009

L’Organisation administrative du travail ou le retour au temps et au week-end universels

En Algérie l’on a poussé trop loin le ridicule et la démagogie en essayant de créer un anneau à la mesure de l’annulaire de chaque algérien, ce qui a généré paresse, égoïsme et esprit d’assistanat chez la majorité des gens et dévalorisé le sens du devoir et de la solidarité envers la communauté nationale ainsi que la valeur de l’effort et du travail. Or, c’est dans le travail que réside la dignité de l’homme et de la femme et c’est le travail qui demeurera toujours, ici et ailleurs, la seule source de richesse.

Et l’Algérie ne manque pas d’atouts pour se remettre au travail. Même sa position géographique lui confère le privilège unique d’enregistrer chaque année l’équinoxe de printemps à l’intersection du méridien de Greenwich et du tropique du Cancer. En effet, passé au zénith de Sidia, village situé entre Arzew et Mostaganem, le méridien de Greenwich s’en va croiser le tropique du Cancer au-dessus du désert de Tanezrouft, entre Reggane et Bordj Baji Mokhtar. L’Algérie est, de ce fait, le seul pays au monde à jouir de ce privilège qui se produit chaque 21 mars, date qui met à égalité de durée le jour et la nuit et qui est le premier jour de printemps, suivant le calendrier grégorien. Cependant, le jour de l’équinoxe, l’égalité du jour et de la nuit est valable pour tous les points de la terre quels que soient la latitude et le fuseau horaire. Les 24 fuseaux horaires correspondant chacun à une heure de temps sont numérotés de zéro à 23 en allant vers l’est à partir du méridien de Greenwich. L’Algérie et le Maroc se trouvent couverts par le fuseau zéro, et scientifiquement, quand il est midi gmt à Alger et Rabat il est 13 heures à Tunis et Tripoli, 14 heures au Caire et 15 heures à Riadh, alors qu’il est encore 7 heures du matin à New York, ville située à plusieurs milliers de kilomètres à l’ouest du méridien de Greenwich. Heure gmt ou temps universel, c’est toujours par rapport au méridien de Greenwich, par conséquent notre méridien, que sont fondés les fuseaux horaires et le temps légal de tous les pays. heure « gmt plus » ou heure « gmt moins », avec changement de quantième à minuit, c’est selon qu’on est à l’est ou à l’ouest de notre méridien.

De la même manière que l’échelle de temps universel a été mondialement consacrée par rapport à l’heure gmt, tous les pays du monde, notamment les pays situés dans la même sphère géographique que l’Algérie, ainsi que ses principaux partenaires ont, pour des raisons objectives, adopté les mêmes horaires de travail et les mêmes jours de repos hebdomadaire. Evidemment, des impératifs économiques ou des contraintes environnementales ou encore des spécificités culturelles, ces règles universelles se trouvent, ici et là, battues en brèches. Si des pays économiquement et technologiquement avancés, ou même prospères, se permettent de réduire le temps de travail à 15 heures par semaine pour consacrer plus de temps au sport et aux loisirs, si les pays scandinaves organisent et gèrent leur vie en fonction de la latitude et de la rudesse des conditions naturelles, on ne peut à l’opposé concevoir que l’Arabie Saoudite puisse adopter un jour de repos hebdomadaire autre que le vendredi.

Or, l’Algérie n’a aucun argument déterminant à faire valoir pour justifier les changements de l’heure (gmt plus une), des horaires de travail et de repos hebdomadaire opérés depuis plus de deux décennies, changements qui, à des degrés différents, ont participé à l’établissement progressif de la confusion et de l’anarchie qui caractérisent la vie sociale. Ces mêmes changements ont d’autant contribué à l’isolement du pays. Et pour ne citer qu’un exemple, nos institutions financières, nos entreprises, nos opérateurs économiques publics et privés ne peuvent être en contact avec leurs partenaires étrangers que le lundi, mardi et mercredi : pas plus de trois jours par semaine. A l’heure de la mondialisation, cela est tout simplement aberrant. Plus aberrant encore, les administrations décentralisées ne sont en contact avec leur tutelle que quatre jours sur sept puisque les premières ouvrent le jeudi et ferment le samedi alors que c’est l’inverse chez les secondes. Nous devons, pourtant, matin et soir, louer Allah pour nous avoir fait dont d’un si grand pays que des dizaines de générations ont défendu contre les envahisseurs étrangers mais auquel seule la génération de Novembre, après l’avoir définitivement libéré, a pu donner les structures et la forme d’un état moderne. Ce sont les impératifs de la modernité et la mise en adéquation de la dynamique sociale avec le sens du progrès qui nous imposent de combattre l’obscurantisme et la mystification afin de défendre d’abord les intérêts de l’Algérie.

Nous ne sommes pas plus riches que les autres nations. Nous ne sommes pas plus intelligents ni plus malins. Nous ne sommes pas plus arabes que les autres peuples arabes ni plus musulmans que nos coreligionnaires. Nous sommes tout simplement des Algériens et c’est cette algérianité, prise dans tout ce qu’elle comporte de spécifique et de commun et avec toutes les diversités que renferme son unité organique qui, d’abord, doit déterminer notre citoyenneté, notre mode de vie et notre organisation sociopolitique. C’est pour toutes ces raisons, qui gagneront sûrement à être affinées et développées, que nous devons, sans tarder, remettre les pendules à l’heure, restaurer les horaires conventionnels des services publics et rétablir le repos hebdomadaire universel.

Chapitre I : Remettre les pendules l’heure

Remettre ses pendules à l’heure selon l’échelle du temps universel, c’est tout simplement revenir à l’heure GMT que l’Algérie a de tout temps observée, pour la bonne raison qu’elle se trouve entièrement couverte par le fuseau horaire. L’échelle du temps universel et les 24 fuseaux horaires étant déterminés par rapport au méridien de Greenwich qui passe au zénith du village de Stidia situé, entre Arzew et Mostaganem, on peut même prétendre que l’heure GMT fait aussi partie de notre identité ou tout au moins de notre originalité parce que intimement liée à la géographie, à la culture et aux pratiques cultuelles de l’AIgérie.

N’avons-nous pas combattu ce que nous appelions « l’heure Soustelle » durant la guerre de’libération nationale ? C’est, en, effet, Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie en 1955-1956 et fervent partisan de l’Algérie Française, qui avait imposé à l’Algérie « l’heure GMT plus une » pour la mettre à l’unisson avec la France métropolitaine. Ce fut par dérison qu’elle a été qualifiée « d’heure Soustelle » par l’organisation FLN/ALN, en somme l’Algérie combattante, qui ne l’avait jamais adoptée autant par patriotisme que par respect à l’échelle du temps universel basée uniquement sur le méridien de Greenwich qui est notre méridien. Ce n’est qu’au milieu des années 1970, à l’époque du parti unique, que la direction du FLN, pour des raisons moins appropriées qu’opportunes, a décidé d’avancer d’une heure le temps légal de l’Algérie. En revenant à l’heure GMT, l’Algérie, sans aucun doute, fera quotidiennement l’économie de plusieurs millions de dinars en consommant moins d’électricité au moment où Sonelgaz multiplie les délestages et mène une campagne de sensibilisation dans ce sens. Même l’horaire de nos pratiques cultuelles s’en trouvera avantageusement réajusté, le culte musulman étant fondé sur Ie calendrier lunaire ,dont I’année compte 12 lunaisons totalisant 354 à 355 jours, soit 10 à 11 jours et quart de moins que l’année grégorienne basée sur le calendrier solaire.

C’est ainsi que chaque année musulmane commence 10 à 11 jours plut tôt que l’année précédente et avance d’autant sur l’année grégorienne, C’est ce qui explique que dans un cycle de 36 ans, nous devons célébrer le 1er Mouharem (1er jour de l’année Hégirienne), faire l’aumône légale (Zakat), observer le mois de Ramadan ou effectuer le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam trois années consécutives aussi bien en janvier, mars, mai, juillet, septembre, novembre ou décembre de l’année grégorienne, selon l’observance du croissant lunaire. Même s’il existe une amplitude d’un intervalle solaire de 30 minutes entre Tébessa et Maghnia, en rétablissant I’heure GMT, nous pourrons, par exemple rompre Iégalement le jeûne, servir le ftour ou faire la prière du Maghreb le 21 mars à 18 heures au lieu de 19 heures actuellement et la prière du Icha une heure 15 minutes plus tard, soit 19h-15 au lieu de 20h-15, notre religion étant plus clémente que répressive. Nous citons le 21 mars parce qu’au risque de nous répéter, c’est l’équinoxe de printemps, date qui met le jour et la nuit à égalité de temps partout dans le monde et, de ce fait, constitue une référence universelle.

Il se trouve, en effet, qu’un grand nombre de pays, notamment les pays d’Europe occidentale ont, après le premier choc pétrolier de 1974, adopté l’heure d’été, heure GMTplus deux, à partir du dernier dimanche de mars et l’heure d’hiver, heure GMT plus une, à partir du dernier dimanche d’octobre dans le but de consommer moins d’énergie. Cependant, des associations françaises, notamment l’Association contre l’heure d’été double (Ached), affirment que non seulement les économies d’énergies escomptées sont minimes, voire nulles, compte tenu des surconsommations pour le chauffage et le trafic routier, mais l’heure d’été perturbe les rythmes biologiques, notamment le sommeil, avec des effets négatifs sur l’agriculture et l’élevage et sur la pollution atmosphérique, les pics de circulation coïncidant avec l’ensoleillement maximum. Ce sont les régions du Midi méditerranéen et du Sud-Ouest européen, où le soleil se couche vers 10 heures du soir en juillet et août, qui souffrent le plus des effets négatifs de l’heure d’été. N’étant pas tous à la même latitude Nord que les pays ouest-européens, donc ne connaissant pas les mêmes conditions climatiques et ayant sa culture spécifique, l’Algérie, en adoptant l’heure GMT plus une, se trouve inutilement exposée à des effets négatifs comparables aux plans biologique, économique et environnemental. Compte tenu de tous ces facteurs, il est donc de l’intérêt de l’Algérie de revenir à l’heure GMT préalable à la restauration des horaires conventionnels des services publics.

Chapitre II : Restaurer les horaires conventionnels des services publics

De la même manière et dans la même opération de réappropriation de ses points de repère, l’Algérie doit restaurer les horaires conventionnels d’ouverture et de fermeture des services publics, applicables partout dans le pays, avec possibilité de modulation pour les régions du Sud durant la période des grandes chaleurs, soit :

- Matin : de 8 h à 12 h
- Après-midi : de 14h30 à 18h30 ou de 14h30 à 18h, selon qu’on opte pour un week-end de deux jours ou d’un jour et demi pour totaliser, dans tous les cas, quarante heures de travail par semaine. Pour combattre les retards et l’absentéisme, il convient de rétablir et de généraliser le système de pointage, par machines ou par feuilles de présence, au début et à la fin des heures de travail et par les autorisations de sortie pendant les heures de travail. Le contrôle de ce système peut être facilement assuré par les agents de sécurité présents actuellement dans tous les édifices publics. C’est dans le même esprit de remise en ordre que le repos hebdomadaire universel doit également être rétabli.

Chapitre III : Rétablir le repos hebdomadaire universe

Le repos hebdomadaire universel, ou week-end, est une nécessité et un droit universellement reconnus à toutes les personnes exerçant régulièrement une activité rémunérée, au même titre que le congé annuel. Partout dans le monde, il est observé en fin de semaine, un week-end, qui s’étale généralement sur une journée et demie à partir du samedi à 12 heures. Cependant, certains pays ayant atteint un niveau de développement très élevé se permettent un repos de deux jours, soit samedi et dimanche avec seulement 35 heures de travail par semaine. Que l’on se repose deux jours par semaine soit. Mais que l’on réduise le temps de travail de cinq heures par semaine, soit une heure par jour ouvrable, cela est un non-sens économique. Car comment peut-on produire en 35 heures ce qui a été produit en 40 heures de travail pendant que nous consommons plus et que nous devons être plus compétitifs sur le marché mondial ? Nous disons tout simplement que l’Algérie ne doit pas commettre la grave erreur de ceux des pays qui, tôt ou tard, regretteront d’avoir institué la semaine de 35 heures. Ce n’est plus, comme du temps de Marx, la guerre entre le capital et la force de travail, mais il y va du sort de tout le pays dont l’avenir dépend d’un salutaire contrat économique et social.

L’Algérie étant encore en voie de développement, il est évident qu’elle ne peut se permettre le luxe d’un week-end de deux jours, à moins d’un travail quotidien de huit heures durant les cinq premiers jours de la semaine. Si l’on opte pour un week-end d’un jour et demi et un temps de travail légal de 39 heures par semaine, on peut aussi bien ramener à sept heures la durée de travail quotidien avec cinq jours et demi par semaine (soit 7x5 = 35+4=39). Dans tous les cas, la situation du pays étant ce quelle est, la collectivité nationale, notamment la population active, se doit de consentir plus d’effort que par le passé. Notre législation doit obéir davantage aux impératifs économiques et à la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays, l’Algérie étant en situation de dépendance vis-à-vis de ses partenaires étrangers, laquelle dépendance risque de s’accentuer avec la mondialisation. S’y ajoutent les obligations découlant de l’accord d’association de l’Algérie avec l’Union européenne aussi bien que de son adhésion prochaine à l’Organisation mondiale du commerce.

Compte tenu donc des impératifs économiques et des exigences environnementales, nous devons sans tarder revenir au week-end universel avec l’une des variantes proposées plus haut et, cependant, un arrêt de travail de 11 h 30 à 14 h 30 le vendredi pour tous ceux qui souhaitent assister au prêche et à la prière du vendredi. Horaires de travail et week-end doivent, en tout cas, être rigoureusement respectés par toutes les administrations et les entreprises publiques à travers tout le territoire national (avec quelques nuances pour les régions du Sud) pour mettre fin à la confusion, à l’anarchie et aux anachronismes, afin de remettre les Algériens au travail et l’Algérie sur ses pieds. Afin de nous mettre au diapason de nos partenaires et de relever les défis du troisième millénaire. La réappropriation de nos points de repère, à savoir le rétablissement de l’heure GMT, du repos hebdomadaire universel et des horaires conventionnels des services publics, constitue un incontournable préalable à une nouvelle organisation politico-administrative du pays. Parce que consacrée à une nouvelle organisation politico-administrative basée sur la régionalisation du pays, la deuxième partie revêt une importance capitale et requiert plus d’effort dans la réflexion et dans l’argumentation et, par conséquent, plus de temps et plus de développement.

Le commandant B. B. H. : (*) Moudjahid, retraité de l’anp diplômé de l’institut des sciences politiques et de l’information d’Alger

Par Ben Belkacem Houcine

mercredi 2 septembre 2009

Le crédit documentaire et la loi de finances complémentaire pour 2009

La loi de finances complémentaire pour 2009 a suscité des débats sur les dispositions, notamment celles relatives à la réalisation des importations de biens et de services au moyen exclusif du crédit documentaire.

Il ressort de ces débats, deux tendances :

- certains seraient favorables à ces nouvelles mesures ;
- d’autres, au contraire, sans toutefois afficher des motivations précises et convaincantes, seraient ontre l’application des mesures édictées. Face à ce débat contradictoire, cette contribution s’efforcera, sans prétention de notre part, d’apporter un éclairage sur cet instrument, largement, utilisé dans le commerce international, et ce, à la lumière de notre longue expérience dans la pratique des opérations du commerce extérieur et notamment celle du crédit documentaire. D’emblée, et pour lever toute équivoque, on peut aisément affirmer que le crédit documentaire n’a pas la vocation d’un titre d’importation et ne peut être un instrument de régulation et de contrôle des flux du commerce extérieur ou utilisé à l’effet de décourager les fraudeurs. Le crédit documentaire, par abréviation « crédoc », est simplement un instrument de garantie, de paiement et de financement du commerce extérieur. Son objectif est de réaliser un équilibre aussi harmonieux que possible entre les intérêts des parties concernées. Lorsqu’il est affirmé que le choix de cet instrument est retenu par les dispositions de la loi de finances complémentaire pour 2009 pour la meilleure traçabilité qu’il offre par rapport aux autres instruments de paiement, cela paraît excessif. En effet, par cette affirmation, on oublie que l’Algérie est sous le régime du contrôle des changes et que les procédures de contrôle commercial et financier des importations de biens mises en place,offrent une traçabilité sur toutes les transactions opérées, par le biais du circuit bancaire, quels que soient, du reste, leurs modes et modalités de paiement. Cette préoccupation est donc déjà prise en charge par ces procédures qui gagneraient certainement à être révisées, informatisées et enrichies par une base de données constamment actualisée pour parfaire le système de traitement des opérations et lutter contre les fraudeurs de tous bords. En effet, à la lecture des procédures actuelles en usage, on constate aisément que le crédit documentaire ne peut apporter une solution pour répondre aux préoccupations posées aujourd’hui par certains aspects spécifiques du contrôle commercial et financier des transactions avec l’étranger.

On craint donc qu’une telle mesure ne véhicule que des conséquences plus négatives que positives pour les opérateurs et donc pour notre pays. Ces appréhensions sont motivées par les quelques raisons, non exhaustives du reste, et développées dans les cinq points suivants :
- 1- Le coût des opérations réalisées par crédit documentaire est excessif par rapport aux autres instruments de paiement. En effet, le coût final d’une opération est, d’une façon ou d’une autre, toujours à la charge de l’acheteur et donc du consommateur. La généralisation du crédit documentaire à toutes les transactions induira une augmentation certaine des charges financières au niveau de la balance des paiements et ceci se répercutera sur les prix des produits. Cette utilisation généralisée peut, en raison d’engagements excessifs des banques confirmantes, faire réapparaître la pratique du fameux sweetner auquel notre pays avait été soumis pendant toute la période de son déséquilibre financier. Ces surcoûts atteignaient vers la fin des années 1980 le taux de 30% environ de la valeur de la transaction, pendant que la décote du papier algérien sur le marché secondaire durant cette période dépassait également les 30 % de sa valeur, En somme, ce surcoût se répercutera sur la trésorerie du pays et sur celle du consommateur final. Plus encore, et pour peu que les partenaires étrangers imposent systématiquement que les crédits documentaires soient confirmés par leurs banques, on verra s’ accroître le taux de la prime d’assurance pour pays à risque et le niveau du taux de la commission de confirmation. Quand bien même, si le bénéficiaire consent un crédit documentaire irrévocable seulement pour faire plaisir à son client, il se peut qu’il ait préalablement obtenu l’accord d’une banque (généralement sa propre banque) pour lui fournir la confirmation à l’insu de la banque émettrice. Cette façon de faire est appelée « confirmation silencieuse ». Celle-ci consiste en un engagement de paiement de la banque qui a pris le risque. Le coût de ce risque est toujours compris dans le prix de vente. Un engagement de la banque confirmante sert à couvrir le fournisseur (bénéficiaire) non seulement de l’insolvabilité de son client, mais également contre le risque pays et le risque de la banque émettrice. Il convient, aussi, de noter qu’une banque étrangère qui possède une participation ou une filiale en Algérie verra ses dividendes en devises en hausse en raison de la rentabilité des opérations du commerce extérieur. D’une façon générale, on peut affirmer qu’une telle mesure est plus au goût du vendeur que de l’acheteur si l’on se réfère aux avantages que lui procurent les autres modes de règlement proscrits par cette nouvelle disposition législative.

- 2- Cette mesure aura certainement des conséquences sur les conventions et autres accords portant libre-échange entre notre pays et le reste du monde du fait qu’elle ôte toute possibilité de négociation entre les partenaires sur le choix d’un mode de paiement autre que le crédit documentaire. D’emblée, au vu de la contrainte imposée par cette disposition légale, l’importateur n’a aucune marge de manœuvre qui lui permette d’imposer à son partenaire la révision des prix à la baisse, surtout lorsqu’il s’agit de produits spécifiques.
- 3- Par cette généralisation du crédit documentaire à toutes les transactions, il est à craindre, (du fait que bon nombre d’hommes d’affaires ne comprennent pas clairement son utilité, ainsi que ses mécanismes et règles internationales qui régissent son ouverture et sa portée) qu’elle se traduise (par méconnaissance) par des conflits avec les banques. Bon nombre d’opérateurs ignorent que le crédit documentaire n’a rien à voir avec les marchandises ; dès lors qu’il s’appuie exclusivement sur les documents relatifs à la transaction. De ce fait, ils doivent savoir que les banques ne sont pas concernées par le contrat de vente ou autres accords pour lesquels le crédit est ouvert. Elles n’exercent aucun contrôle sur les marchandises, pas plus qu’elles ne peuvent affirmer leur existence. La responsabilité des banques et leur exonération sont clairement définies par les règles et usages de la CCI auxquels le crédit documentaire se réfère. De par sa complexité, cet instrument de garantie, de paiement et de financement exige, (comme pour tout autre instrument remplissant des fonctions similaires), de la compétence technique des intervenants, de l’honnêteté, de la probité, de la bonne foi et de la solvabilité de tous les acteurs concernés. Aussi, le choix des compétences et des qualifications du personnel dédié au traitement et au contrôle des opérations et la mise à jour constante des procédures sont les meilleurs gages de lutte contre les fraudeurs.

- 4- S’agissant d’un crédit par signature, les banques ont la faculté de se prononcer sur ce type de transaction. Elles peuvent accepter ou refuser l’ouverture d’un crédit documentaire au client, fut-il provisionné à 100%. En cas de rejet de l’opération, la banque souveraine de sa décision n’a pas à justifier son refus. L’accroissement des engagements, qui seront générés par cette mesure, va certainement contrarier le niveau des ratios des risques de la banque sur sa clientèle. Le conseil d’administration aura à veiller scrupuleusement sur le niveau des engagements de la banque car la principale garantie du crédit documentaire réside dans la marchandise qui en fait l’objet et qui sert de gage au banquier. Souvent, certaines marchandises sont, de par leur nature, destinées à l’usage exclusif de l’importateur lui-même. La moindre défaillance ou négligence peut se traduire par une perte partielle ou totale pour la banque.
- 5- En sa qualité d’intermédiaire agréé du contrôle des changes, le banquier est tenu, avant d’accepter d’ouvrir la lettre de crédit documentaire, de s’assurer qu’elle obéit à toutes les règles et exigences fixées par la réglementation des changes et du commerce extérieur. C’est le seul point qui paraît conforter la LFC 2009. Mais cet aspect, à lui seul, ne peut servir à justifier l’utilité de la généralisation d’un tel instrument de paiement. Car dans les autres instruments de paiement (remise documentaire ou transfert libre), ce contrôle se fait selon la nature de la tâche a priori ou a posteriori à différents niveaux de la chaîne de contrôle des opérations. Dès lors, on est droit de se demander si une telle généralisation ne pourrait pas être interprétée comme une façon déguisée des autorités financières de réactiver la procédure d’autorisation préalable instituée par l’avis de change de J 972 et abrogée de nos jours. A notre connaissance, il semble que c’est la première fois dans les annales du commerce extérieur qu’un Etat administre le mode de paiement des contrats commerciaux. On pourrait dès lors s’interroger sur l’éventualité d’une mise en cause de la responsabilité civile de l’Etat dans certains cas. En conclusion, au vu de cette succincte et modeste analyse, on se demande donc quelle est l’utilité de rendre obligatoire la réalisation des transactions à l’importation au moyen du seul crédit documentaire et pour quelle perspective ou objectif ?

Quand bien même celui-ci offre plus de transparence dans l’exécution financière des transactions, ce qu’il faut surtout noter c’est que l’expérience a démontré que la falsification et la fraude sont les risques les plus redoutables en matière de crédit documentaire contre lesquels l’acheteur lui-même demeure désarmé. Il est donc inutile de croire ou de faire croire que cet instrument peut résoudre les problèmes que pose la fraude ou la falsification. Il revient à l’Etat (en impliquant peut être ses partenaires) de mettre les moyens dont il dispose pour lutter contre ce fléau et aux opérateurs du commerce extérieur d’agir en toute circonstance sans porter, avant tout, atteinte aux intérêts de leur pays. Ce n’est qu’à ce prix que notre nation sera forte et respectée par ses partenaires. Pour contraindre les opérateurs peu scrupuIeux à respecter les règles établies, il est impératif que l’Elat instaure un guichet unique mettant en œuvre une procédure d’échange de données informatisées (EOl) pour cerner convenablement tous les circuits de traitement et de contrôle commercial et financier de l’ensemble des transactions avec l’étranger. Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut disposer d’outils performants au service des intervenants dans les activités du commerce extérieur. Le règlement du litige récent entre les USA et l’Union des banques suisses relatif à la fuite des capitaux américains vers cette banque est un exemple à méditer par Ies pays qui veulent réellement lutter contre les fraudeurs et défendre leurs intérêts dans le monde.

L’auteur est : Ex-directeur central et inspecteur général de banque, auteur d’un ouvrage sur le crédit documentaire

Par Moussa Lahlou

lundi 31 août 2009

Le Coran, une méditation continuelle

En Islam, écrire, comme tout autre acte, exige un plein engagement et une totale responsabilité. Dans cette exigence, le rapport du Prophète à la Révélation a été résumé par Aïcha : son caractère était le Coran. Une foi absolue et une sincérité sans faille dans ce qu’il a lui-même transmis à l’humanité.

Ecrire donc sur le Coran nous met dans une prise de conscience d’avoir probablement failli à ses préceptes, à ses commandements et à sa compréhension. Car écrire n’est transmissible en Islam que si celui qui écrit ou parle est exigeant d’abord avec lui-même. C’est cet effort constant qui permet aux intellectuels musulmans d’atténuer les « maints exemples d’incohérences intellectuelles » relevées ironiquement par Aldous Huxley chez les grands penseurs (Aristote, Hegel, etc.).

La crise moderniste

La crise moderniste qui éclata en Europe au début du XXe siècle souleva entre autres les questions de l’authenticité et des variations des écrits de la Bible, sur l’origine et la composition des Evangiles. Le père Lagrange, pionnier de l’exégèse historico-critique écrit : « La critique estime que l’Evangile canonique de saint Matthieu a été écrite en grec ; la tradition ancienne rapporte que l’apôtre Matthieu écrivit son évangile en araméen, ce n’est donc point le même ouvrage. On ne peut recourir à l’échappatoire d’une traduction, mais la critique admet volontiers un original sémitique, source partielle des Evangiles de saint Matthieu et de saint Luc. Elle ne saura jamais très exactement en quoi consistait cet évangile, elle ne prouvera jamais que son auteur n’ait pu être l’apôtre Matthieu. Il n’est donc pas impossible d’imaginer un accord entre la critique et la tradition et il serait bien plus sage de s’écarter ici de l’autorité de l’église ancienne. Après saint Matthieu, on attaque surtout saint Jean. Mais ici, les auteurs catholiques sont loin de se rendre. » Plus loin, le père Lagrange ajoute : « Puisque Jésus n’a pas lui-même fixé son enseignement par écrit, il était impossible que les termes en fussent toujours conservés d’une façon mathématique. Ceux des évangélistes sont en partie empruntés à l’Eglise ; elle les fournit et les accepte ; l’auteur y a mis de sa pensée, mais l’Eglise y reconnaît la sienne qu’elle sait être de Jésus. Et c’est pour cela aussi que saint Augustin ne croyait à l’Evangile que d’après l’autorité de l’Eglise » Ce qui a fait dire : « Il devient, pouvons-nous dire, de plus en plus difficile de croire en la Bible sans croire à l’Eglise. » Sur la pluralité des sources écrites, le père Lagrange ne dressera pas la liste, mais parlera bien du double récit, des chiffres concernant les tribus, l’armée, etc. Un autre chrétien, Alfred Loisy, par la publication de son ouvrage L’Evangile et l’Eglise sera considéré comme le déclencheur de la crise moderniste, il écrit : « Les conceptions que l’Eglise présente comme des dogmes révélés, ne sont pas des vérités tombées du ciel et gardées par la tradition dans la forme précise où elles ont apparu d’abord. L’historien y voit l’interprétation des faits religieux, acquise par un laborieux effort de la pensée théologique. » On lui reproche entre autres d’avoir dans cet ouvrage abordé avec légèreté la théorie des deux sources. Le Saint-Office l’excommunia pour avoir voulu « ruiner l’Eglise catholique ». Mgr Mignot, une autre figure de la crise moderniste écrit : « Comment nier les faits s’ils sont réellement prouvés ? Le Pentateuque n’est pas de Moïse, Daniel date les Macchabées, Isaïe est de plusieurs auteurs, les Rois sont une compilation, il n’y a pas de chronologie biblique, le déluge universel n’est pas historique, les premiers chapitres de la Genèse ne sont pas historiques mais mythiques. » Cette critique sur l’origine, la valeur historique et la composition des Ecritures, à ne pas en douter, fit réagir le pape Pie X lui-même dans son encyclique Pascendi Dominici Gregis où il dénonça « les erreurs des modernistes ». Sur un autre registre et toujours dans le même ordre d’idées, le commentaire du Livre des Nombres de P. de Hummelauer nous renseigne que le texte biblique pouvait subir des ajouts ou des retouches. Pour lui, les chiffres sont exagérés ; il concluait qu’un copiste sottement pieux (scriba aliquis inepte pius) avait multiplié (sic) tous les chiffres par 100. On se serait trompé de quelques centaines de mille, selon la remarque du père Lagrange, mais on aurait conservé fidèlement les unités. Le jésuite Henri Sonier de Lubac, dans son ouvrage Surnaturel. Etudes historiques, sera interdit d’enseignement et ses livres confisqués, il posera le problème du surnaturel dans le christianisme ; de même que Renan lorsqu’il écrit : « La négation du surnaturel est devenue un dogme absolu pour tout esprit cultivé (...) Entre la christianisme et la science, la lutte est donc inévitable ; l’un des deux adversaires doit succomber. » Un autre problème lié au mode de composition des Synoptiques et leur valeur historique se pose en ces termes : « Sont-ils des récits de témoins oculaires et auriculaires qui se bornent à rapporter exactement ce qu’ils ont vu et entendu ? Ou bien ont-ils été écrits par des historiens qui ont puisé à des sources et utilisé d’autres documents ? Autrement dit, sont-ils œuvres de première main ou œuvres de seconde main ? Et s’ils sont œuvres de seconde main, quelle est la valeur de leurs sources ? Ceux de qui ils tiennent leurs renseignements sont-ils dignes de foi ? Cette question, nous sommes d’autant plus amenés à la poser que les trois premiers Evangiles présentent entre eux des ressemblances frappantes tandis qu’ils diffèrent entièrement du quatrième. » Ces événements et cette lecture des passages puisés dans les ouvrages nous renseignent sur le souci et la préoccupation de certains penseurs chrétiens, et non des moindres, d’atteindre par la critique l’authenticité du texte sacré et de poser les problèmes liés à l’origine des Ecritures. On voit bien aussi que la Bible est une proie facile pour la critique quant à l’histoire de son écriture.

Le Coran

Nous verrons que ces problèmes n’existent pas en Islam, parce que l’histoire de l’écriture du Coran est totalement différente de celle de la Bible. Sa définition simple, pourrions-nous dire, fait toute la force de son argumentation. Tout tient à l’origine, à l’histoire du texte, qui est la source fondamentale de la critique comme l’écrit justement Vaganay : « L’établissement du texte est fonction de l’histoire du texte ». Mohammed Hamidullah écrit que le Coran est « la parole de Dieu, révélée par fragments à Muhammed, pendant 23 ans de sa mission de messager de Dieu. » Quant à l’histoire de son écriture : « Toutes les fois qu’il recevait une révélation, un fragment du Qur’an, il appelait un de ses scribes, et lui dictait ce qui lui avait été révélé. Muhammad précisait, en outre, où il fallait placer la nouvelle révélation dans la collection des fragments antérieurs (...) Il ordonnait non seulement de transcrire ces passages du Qur’an — et d’en multiplier les copies pour les membres de la communauté — mais aussi de les apprendre par cœur. » « La copie officielle, préparée moins d’un an après la mort du prophète, resta d’abord chez le calife Abü Bakr, puis, à sa mort, chez son successeur le calife Omar. » « C’est ce texte, écrit Hamidullah, du temps d’Abû Bakr, officiellement diffusé par Uthman, que nous possédons maintenant. Et c’est le même texte dans le monde entier. » A ces deux méthodes rigoureuses, pour la conservation du texte coranique, vient s’ajouter une autre infaillible : celle de Dieu : « Nous avons fait descendre le Rappel. Nous en sommes les gardiens » (CoranXV, 9)

Pourquoi cette intervention divine ?

A cet égard, il nous semble intéressant de relater l’expérience réalisée au Congrès de psychologie de Gôttingen : « Non loin de la salle des séances, il y avait une fête publique avec un bal masqué. Tout à coup, la porte de la salle s’ouvre, un clown se précipite comme un fou, poursuivi par un nègre, revolver au poing. Ils s’arrêtent au milieu de la salle. Le tout avait à peine duré vingt secondes. Le président pria les membres présents d’écrire aussitôt un rapport, parce que sans doute il y aurait enquête judiciaire. Quarante rapports furent finalement remis. Un seul avait moins de 20% d’erreurs relatives aux actes caractéristiques ; 14 eurent de 20 à 40% d’erreurs, 12 de 40 à 50 et 13 plus de 50%. De plus, dans 24 rapports, 10% des détails étaient purement inventés, et cette proportion de l’invention fut plus grande encore dans dix rapports (...). Bref, un quart des rapports dut être regardé comme faux. Il va sans dire que la scène avait été convenue et photographiée d’avance » Les témoins étaient « tous psychologues, juristes et médecins plus maîtres de leur pensée et de leur plumes qu’un public ordinaire. » (voir A Van Gennep, La Formation des légendes, Flammarion, 1920). « Il y a lieu de faire la remarque suivante par rapport au temps : le témoignage s’est fait tout de suite après la scène, ce qui devrait mettre les témoins à l’abri de l’oubli. Mais la conclusion de l’expérience est là pour nous montrer et nous rappeler que le témoignage humain le plus sérieux n’est jamais sans altérations. Le texte coranique, par cette intervention divine, est à tout égard inattaquable. A notre connaissance, aucune œuvre, aucun texte, n’a laissé à la postérité ce défi avec une telle assurance : « Ne méditent-ils pas sur le Coran ? Si celui-ci venait d’un autre Dieu, ils trouveraient de nombreuses contradictions ». Le Coran ne pose pas de problème d’authenticité.

Le tafsir

Après la mort du Prophète et les siècles qui suivirent, il s’est installé dans le paysage intellectuel musulman une discipline que l’on appellera le tafsir (l’exégèse). L’histoire du tafsir n’étant pas l’objet de cette étude, nous retiendrons seulement que le Coran a fait l’objet d’une compréhension intimement liée à une époque historique des exégètes (Ibn Messaoud, Tabari, Ibn Khatir, etc.) Il demeure d’ailleurs un travail précieux fruit de louables efforts. Au XIXe siècle, d’autres savants musulmans ont essayé de faire de l’ijtihad (effort) en lisant le Coran avec des yeux neufs mais aussi pour répondre à des exigences intellectuelles d’un temps qui, fatalement, n’était pas celui de Tabari ou Ibn Khatir. Nous pouvons citer cheikh Mohammed Abdou et son disciple Rachid Reda avec Tafsir al manar, Tahar Ben Achour Tafsir At Tahrir wat- Tanwir, ou Mahmoud Cheltout Tafsir al Qur’an. Mais l’effort de ces ulémas n’a pas pu « modifier essentiellement l’exégèse classique » et comme l’écrit Bennabi : « Le problème de l’exégèse demeure important : d’une part, par rapport à la conviction de l’individu formé à l’école cartésienne, et d’autre part, par rapport à l’ensemble des idées courantes constituant le fond de la culture populaire. » Pour essayer d’approcher la première catégorie, nous essayerons de méditer le Coran sur deux sujets qui nous semblent révélateurs : il s’agit du problème de l’écriture de l’histoire et du phénomène de la naissance de l’amour.

L’écriture de l’histoire

Les biographies et les autobiographies sont le genre d’écrits les moins objectifs et les plus controversés. Les éléments dont il faut tenir compte pour les écrire sont aussi disparates que difficiles à établir et même si toutes les conditions inhérentes à son genre d’écrit sont satisfaites, il faut convenir qu’au « nom même de l’esprit scientifique, il faut reconnaître cette impossibilité d’expliquer ou de comprendre exhaustivement un homme car il ne pourra jamais être tenu compte de toutes les données de sa vie biologique, sociale et surtout psychologique », comme l’écrit Paul Fraisse. Dans cet esprit, Jean François Revel écrit que le moment du deuil « n’est pas celui de l’objectivité (...) Il y a un temps pour l’émotion, un autre pour la réflexion et le deuxième ne peut venir que lorsque le premier s’est éloigné ». (Cette phrase de Revel a été écrite en réponse à la déclaration de Valéry Giscard d’Estaing à la mort de Mao Tsé-toung : « Un phare de l’humanité s’est éteint. »). En fait, il conseille ainsi de laisser le temps nous faire découvrir des réalités sur le personnage que l’immédiat et les émotions peuvent occulter. L’émotion peut être aussi un obstacle à la compréhension. « Jamais la connaissance de nous-mêmes, écrit Alexis Carrel, n’atteindra l’élégance simplicité et la beauté de la physique. Il faut clairement réaliser que la science de l’être humain est, de toutes les sciences, celle qui présente le plus de difficultés. » Ainsi est donc posé, du moins sommairement, le problème de l’écriture des vies particulières. Par extension, nous pouvons aborder un autre aspect de la question liée à l’écriture de l’histoire ou le problème que pose l’histoire. « Il n’y a pas de science qui soit dans les conditions aussi défectueuses que l’histoire. Jamais d’observation directe, toujours des faits disparus et même jamais des faits complets, toujours des fragments dispersés, conservés au hasard, des détritus du passé, l’historien fait un métier de chiffonnier. Encore est-il obligé d’opérer sur ces mauvais matériaux par voie indirecte, en employant le plus mauvais des raisonnements, le raisonnement par analogie. L’histoire est au plus bas degré de l’échelle des sciences, elle est la forme la plus imparfaite de la connaissance. » Il s’agit là du problème de la connaissance historique « événementielle » posé par Charles Seignobos. L’écriture de l’histoire est donc un travail complexe, d’où les questions suivantes : le lecteur d’ouvrages historiques doit-il les lire sans esprit critique et quel crédit accorder à ces récits ? L’historien est-il influencé par des éléments subjectifs et peut-il alors nous influencer dans notre lecture ? Quelles sont mes méthodes et les règles du récit historique, puisque ce travail est qualifié par Marc Bloch de « métier d’historien » En histoire l’objectivité absolue est-elle possible dans un récit ? En fait, trois raisons principales rendent impossible la fidélité du témoignage dans l’écriture de l’histoire : des erreurs volontaires et intéressées ; des erreurs involontaires et des erreurs inhérentes à la nature humaine et qui échappent à tout contrôle. « On a beau faire croître l’effort, varier les méthodes, il n’en résulte jamais qu’une évidence qui est l’impossibilité de séparer l’observateur de la chose observée et l’histoire de l’historien. » (Paul Valéry, Variété IV). C’est cette dimension humaine qui nous intéresse tout particulièrement, elle est explicitée par ce passage de Paul Veyne qui écrit : « Même si j’étais Bismarck qui prend la décision d’expédier la dépêche d’Ems, ma propre interprétation de l’événement ne sera peut-être pas la même que celle de mes amis, de mon confesseur, de mon historien attitré et de mon psychanalyste qui pourront avoir leur propre version de ma décision et estimer mieux savoir que moi ce que je voulais. » Voilà qui est dit ; parfois, notre propre intention dans un acte et ses conséquences peuvent prendre des proportions qui échappent à notre compréhension et à notre interprétation. Qu’en est-il donc pour une tierce personne ? Penchons-nous maintenant sur le cas du Coran pour faire ressortir cette donnée fondamentale dans la science historique.

(A suivre)

Par Abdelkrim Semani

dimanche 30 août 2009

Vers une recomposition du pouvoir en Algérie : « Plus d’Etat pour mieux contrôler la rente »

Après avoir déclaré tout d’abord que l’Algérie n’était pas touchée par la crise financière mondiale, voila que le gouvernement change brusquement d’opinion et initie dans la précipitation des mesures pour un retour vers « plus d’Etat » au nom de « la souveraineté nationale » et de la protection de l’intérêt national.

Ces mesures, tout comme l’orientation économique actuelle du pays, vont-elles profiter aux couches populaires et industrieuses ou alors aux classes sociales qui détiennent le Pouvoir ? Quelle est la nature de ce pouvoir et de l’Etat aujourd’hui ? Le contexte politico-économique actuel, caractérisé par une profusion de discours sur des notions de « pouvoir », de « système », de « patriotisme économique », de « souveraineté », de « acquis du peuple » semble propice pour tenter de décoder et comprendre les intérêts socioéconomiques des classes sociales détentrices du pouvoir actuellement en Algérie. Il semble aussi offrir une belle occasion révélatrice de la nature des ces forces sociales et de la recomposition de leurs rapports, dans un contexte de crise économique mondiale. Dans le présent article, seront abordés quelques-uns des aspects qui nous paraissent les plus intéressants dans cette recomposition.
La mainmise des classes sociales parasitaires sur l’économie

Les nouvelles mesures prises par le gouvernement, concernant l’investissement étranger prévoyant une participation algérienne à hauteur de 51% pour les investissements et 30% pour les sociétés d’importation, ne sont pas efficaces, selon de nombreux économistes. Ainsi en est-il pour Abdelkader Lamiri : « Lorsqu’un investissement fait rentrer plus de devises qu’il n’en fait sortir (y compris les dividendes) même s’il est à 100% étranger, son impact sur l’économie algérienne serait bénéfique. Pourquoi avoir introduit une disposition inutile et controversée ? L’impact sur la balance des paiements est suffisant ». Tout comme ont été jugées inefficaces et anti-sociales les autres mesures introduites dans la loi de finances complémentaire 2009, concernant les importations et le crédit à la consommation. Censées « assainir » le commerce , en réduisant les importations, le transfert de devises vers l’étranger, en cette période de crise financière, ces solutions ont été rejetées par les économistes, les chefs d’entreprise, (publiques et privées), les associations patronales qui les jugent bureaucratiques et dangereuses pour le fonctionnement de l’économie nationale. Le seul mode de paiement -le crédit documentaire- imposé par cette loi de finances, qui va exiger des entreprises « des trésoreries monumentales » pour financer leurs opérations, va favoriser les fournisseurs étrangers et va mettre en difficultés des entreprises et provoquer la faillite de petites sociétés. Ces mesures ne feront que concentrer un peu plus cette activité entre les mains de la bourgeoisie -compradore ou bureaucratique- parasitaire qui va renforcer sa position de « monopole ». Ce « retour au secteur d’Etat », aujourd’hui, sous couvert de « patriotisme économique », intervient après une étape infructueuse de libéralisme débridé et d’économie de bazar inauguré sous l’ère de Chadli et consorts, soutenue en particulier par le parti islamiste dissous (FIS) (voir le programme économique du FIS dans son hebdomadaire EL Mounqidh et la notion d’économie islamique, 1990), puis « modernisée » par les économistes du pouvoir actuel. Cette démarche est soutenue par un discours populiste sur « les acquis du peuple », servi tant par le pouvoir, ses dirigeants, ses appareils, que par ses organisations périphériques. En attendant qu’un débat s’engage et s’approfondisse sur la nature socio économique de l’Etat, il nous semble possible d’affirmer que ce dernier est l’instrument de défense des intérêts des classes sociales liées au capitalisme bureaucratique fondé sur la mainmise sur la rente pétrolière. Ces classes tirent leur fortune et leur pouvoir du contrôle absolu du secteur d’Etat (tous domaines confondus), après avoir liquidé toutes les velléités participationnistes (gestion socialiste des entreprises) dès le début des années 1980. Des pans entiers de l’économie sont tombés sous le contrôle de quelques « familles » ... Ces classes avaient, du reste, pris leur essor dès les années 1960 à partir du secteur d’Etat et des nationalisations, y compris celle des terres.

La bourgeoisie bureaucratique, née de l’utilisation des fonctions dirigeantes par des groupes sociaux placés aux commandes du secteur d’Etat, et la bourgeoisie compradore tirant sa raison d’être de sa position d’intermédiaire parasitaire entre les firmes multinationales, sont toujours les vraies détentrices du pouvoir actuel. Certes, dans la période 1965-1978, où le pouvoir était majoritairement entre les mains de classes sociales petites bourgeoises -rurale et urbaine-, et où la bourgeoisie capitaliste moderne était réduite à une poignée d’entrepreneurs et patrons industrieux, le pays avait rapidement posé les fondements économiques et sociaux de l’émergence.

Toutes les incohérences, les insuffisances, l’autoritarisme, l’étouffement des libertés démocratiques, étaient dus aux contradictions au sein du pouvoir où les tendances petites bourgeoises de progrès côtoyaient des groupes d’intérêts liés à des couches féodales et à des noyaux de la bourgeoisie bureaucratique de plus en plus solide. Ces derniers ont, dès les années 1980, amarré le pays aux multinationales par l’intermédiaire de couches compradores, entamant gravement les défenses immunitaires de la nation et préparant ainsi la transformation du pouvoir en une dictature théocratique fondée sur l’économie de « bazar ». Il reste assurément à étudier objectivement l’impact socio-économique des années 1988-99 et l’origine des fortunes colossales, nouvelles ou anciennes, grossies sous le manteau de l’intégrisme et du « patriotisme » généreusement récompensé. Dès 1999, le pouvoir a commencé par accélérer, dans un premier temps, la cadence vers un capitalisme de type « oriental bazari » du même modèle que celui prévalant dans les monarchies du Golfe où les familles régnantes s’accaparent de la totalité de la rente pétrolière et assument sur le plan mondial le rôle de tiroir-caisse pour les grandes puissances. L’adoption de ce type de capitalisme a apparemment été facilitée par les réseaux de relations ténues entretenues avec les monarchies du Golfe. Mais voilà. que, soudain, par la voix de toutes les formations politiques périphériques qui lui sont affiliées, du MSP islamiste, dit modéré, jusqu’au PT trotskyste en passant par le RND et le FLN, le pouvoir appelle au « retour de l’économie d’Etat » .

Le « retour vers plus d’état » pour renforcer la mainmise sur la rente pétrolière et le discours populiste

En fait, ce retour vers plus d’Etat est dicté par deux facteurs : 1- la nécessité pour le pouvoir de renforcer sa mainmise sur la rente pétrolière et sur tout le secteur d’Etat dans un contexte de crise mondiale et d’incertitudes certaines qui pèsent sur l’Algérie et naturellement sur les intérêts des couches parasitaires du pouvoir. 2- la nécessité d’amoindrir les conséquences, y compris sociales, de la crise économique mondiale et ses dangers politiques qui menacent les fondements de classe du pouvoir. Pour cela, le pouvoir doit annihiler les mouvements sociaux qui s’annoncent dans un contexte de crise économique et qui se font jour déjà (dockers, enseignants, médecins, étudiants, petits commerçants, fonctionnaires.). Il lui faut neutraliser les mouvements organisés ou spontanés de travailleurs, de millions de jeunes, de femmes, déjà durement touchés dans leur niveau de vie et qui subissent déjà des conditions de vie de plus en plus graves. Il lui faut aussi annihiler les dynamiques novatrices naissantes d’une jeune classe instruite et industrieuse attachée à une économie non rentière, où le savoir, le travail et l’investissement productif libéreront le pays de la dépendance du pétrole. Pour cela, le pouvoir s’appuie sur un discours populiste, sur le « patriotisme économique ». Lorsque le chef du gouvernement actuel déclare haut et fort : « Nous voulons combattre l’économie de bazar et réduire les importations (...) l’économie de marché n’est pas synonyme d’abandon des entreprises publiques » : ce ne sont là que des slogans creux. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que les responsables qui ont mis en place les conditions de la genèse et de la prospérité de l’économie de « bazar » et organisé l’hémorragie des richesses et des compétences nationales, ouvert le pays à la rapine et la dilapidation, sont toujours aux commandes du pouvoir et défendent les intérêts de la bourgeoisie compradore. Ceux qui ont procédé à la mise à mort des entreprises publiques et de millions d’emplois, en dilapidant le potentiel économique formidable, en ébranlant les défenses immunitaires du pays, sont toujours aux commandes et défendent bec et ongles les intérêts d’une bourgeoisie bureaucratique insatiable. En outre, il est possible de dire que les contradictions et même les tensions qui apparaissent et qui s’approfondiront très probablement entre les groupes sociaux parasitaires justifient ces discours économiques « patriotiques », et il est fort probable que d’importantes recompositions politiques auront lieu à la faveur des luttes d’intérêts pour le contrôle de la rente.

Le nécessaire contrôle du mouvement social montant

En même temps qu’il renforce sa mainmise sur la source des fortunes parasitaires, le pouvoir a besoin de canaliser le mécontentement social qui monte et qui s’organise en dehors du cadre syndical ou associatif corrompu qu’il contrôle. Il doit contenir ce mouvement social et le limiter aux seules revendications salariales et corporatistes. Tant que l’argent du pétrole est là, il peut mettre de la pommade et distribuer des miettes sous forme d’augmentations, de distributions d’aides, à tout bout de champ, d’amnistie bancaire ... Mais le danger que le pouvoir doit à tout prix écarter, c’est bien la jonction entre les vastes mouvements sociaux et les forces démocratiques organisées, réduites à l’état de sectes isolées les unes des autres. Pour ce faire, il dispose d’organisations périphériques dont le trait commun est le populisme et la surenchère, même si elles revêtent aussi bien l’aspect « islamiste » que « nationaliste » ou encore « ultra révolutionnaire ». Outre les formations et fractions islamistes, agréées ou tolérées avec bienveillance, les partis inamovibles, dits nationalistes et patriotiques, et la myriade de sectes, d’associations, de groupuscules gravitant autour du pouvoir, l’une de ces organisations périphériques est le Parti des travailleurs (un des groupes affiliés à l’une des deux principales tendances de la IVe Internationale Trotskyste -celle dirigée par le Belge Pierre Broussel, alias Pierre Lambert-, décédé en 2008), qui défend des positions apparemment louables mais dangereusement trompeuses. Pourquoi ? Si pour des millions d’Algériens, les positions de ce groupe paraissent justes et conformes aux intérêts des couches sociales industrieuses et populaires et à ceux du pays, il n’en demeure pas moins que les revendications de cette formation demeurent des slogans creux, parce que le contexte dans lequel ils sont lancés est caractérisé par la prédominance du pouvoir sans partage de classes parasitaires et leur hégémonie sur la rente pétrolière. Les classes parasitaires tirent leurs fortunes et leur puissance politique de :
- l’importation sans limite de tous les biens de consommation (lait, médicament, blé... ) ;
- du blocage de toute velléité de création d’une industrie nationale, de toute initiative de capitalistes industrieux nationaux, de toute tentative de développement des exportations hors hydrocarbures. Les slogans trotskystes : « Pas de bradage du secteur d’Etat », « Les entreprises d’Etat sont des acquis du peuple », sont donc des slogans creux et trompeurs. Faire croire que les classes parasitaires lâcheront la mamelle pour une distribution équitable des richesses relève plus tôt de la cécité politique. Des slogans pareils peuvent assurément plaire au « peuple », mais hélas ce ne sont pas les économies du Vénézuéla et de la Bolivie qui sont à citer en exemples. Ce n’est plus l’autarcie socialiste fondée sur le nivellement par le bas et les comités d’autogestion qui pourront répondre à une mondialisation effrénée, à un rythme impitoyable de modernisation des méthodes de gestion, à la nécessaire installation d’une économie fondée sur la « connaissance »... Le cas de la Chine et des nations émergeantes serait infiniment plus éducatif. La stratégie entriste du PT, également utilisée par les islamistes, vient de la pratique de l’entrisme et du noyautage mise au point par les chefs de l’organisation trotskyste mondiale : la IVe Internationale, y compris le Belge Lambert et la tendance lambertiste pour contrer les forces démocratiques. Il faut rappeler, sans remonter à la lutte de libération nationale et au noyautage du MNA de Messali Hadj par les trotskystes de Lambert contre le FLN historique, les dégâts économiques causés par des aventuriers comme le Grec Pablo Raptis (de la même mouvance) et la poignée de trotskystes qu’il dirigeait au lendemain de l’indépendance, notamment dans l’expérimentation catastrophique de la notion d’ « autogestion ouvrière » dans l’industrie et l’agriculture en Algérie, les nationalisations systématiques d’industriels nationaux qui se sont étendues jusqu’à des salons de coiffure, des cafés et bains maures ! Le romantisme et l’analphabétisme économiques ont été érigés en théorie et en méthode de gestion brouillonnes et profondément injustes par le populisme et l’agitation de Ahmed en Bella et ses conseillers trotskystes. Les slogans vides des groupes trotskystes aventuriers étrangers qui avaient infesté l’Etat et les institutions de 1962 à 1965 (y compris la première assemblée nationale) ont été néfastes pour l’Algérie. Les partis trotskystes lambertistes ne sont pas des organisations banales : ils appartiennent organiquement à un réseau mondial d’entrisme et adoptent des formes d’organisation multiples. Les intellectuels et les étudiants, les syndicalistes, les femmes sont leurs cibles privilégiées. Ils visent à occuper le terrain laissé vacant par les forces démocratiques incapables de s’ancrer solidement dans les couches populaires et de mener de façon unitaire les luttes des travailleurs, des femmes, des jeunes, des petits paysans et de toutes les couches industrieuses, Ils canalisent leurs énergies par des slogans mensongers pour pérenniser la domination des classes parasitaires et compradores : Voilà le credo des organisations périphériques du pouvoir.

Par Houria Aït Kaci

Prochaines assises de l’artisanat : Une solution concrète à la lutte contre le chômage, la misère et l’exclusion ?

« L’abandon des métiers artisanaux n’est qu’un leurre fatal du régime capitaliste »

Alfred Sauvy (la tragédie du pouvoir).


Notre joie est grande d’apprendre pas le biais de la presse nationale (1) la préparation des assises de l’artisanat qui auront lieu vers la fin du deuxième semestre 2009. L’idée est élogieuse dans la mesure où c’est la première fois depuis l’indépendance que les pouvoirs publics ont, enfin, décidé de se pencher sérieusement sur ce secteur porteur de notre identité et, partant, de notre histoire, et qui, par la bêtise des hommes, ses hommes furent contraints de mener une vie de colonisés et résister dans le silence et l’oubli, depuis maintenant près de deux siècles si l’on comptabilise, bien entendu, les années de 1962 à ce jour. Durant la période de colonisation française, les donnés de 1954 nous renseignent au moins sur ses effectifs, sa production et son poids dans l’économie. Dans l’Algérie indépendante, l’artisanat ne figure même pas dans les tableaux statistiques de l’Office national des statistiques (ONS). Ces assises qui auront du « pain sur la planche », permettront la redécouverte de notre bien, de notre capital en savoir-faire et manière d’être, afin de nous réconcilier avec nous-mêmes, avec notre identité. Les historiens sont unanimes à dire qu’un peuple qui ne cultive pas son passé n’est pas un peuple. Influencés par la culture de l’oubli, beaucoup d’Algériens doutent de leur valeur, de leur passé, de leur monnaie, de leur mémoire, enfin d’eux-mêmes à cause de la méconnaissance de l’importance de leur artisanat qui exprime le génie des peuples, de notre peuple. Notre président de la République a tout à fait raison de dire que nous sommes un peuple étrange(2). L’aliénation est la pire arme qui soit pour asservir un homme et le rendre amorphe, dépendant, assisté, esclave de son ventre, un drogué qui ne sait pas ce qu’il dit. Nous sommes tentés de paraphraser le défunt Kaïd Ahmed pour dire qu’« hier, nous étions au bord du gouffre, aujourd’hui, nous avons fait un pas en avant ». De plus, boulimiques que nous sommes, nous ne savons ni acheter ni encore moins vendre. En allant dans le même ordre d’idées, nous ne savons ni privatiser ni étatiser. Ces assises traduisent sans doute la volonté (la sagesse) de rompre avec les fausses stratégies, les fausses routes et de revenir à la réalité bienfaisante d’un retour aux sources comme solution objective pour faire face aux méfaits et aux menaces de ce monstre qu’est l’économie de marché que nous vivons. Sans exagération aucune, les puissances économiques actuelles qui n’ont jamais renié leur artisanat, et à la suite de la dégénérescence de leurs grandes entreprises, ont pris les devants et considèrent l’artisanat comme un sauveur, un messie. En effet, depuis la crise de 1970, l’artisanat (TPE) est au cœur du système productif capitaliste. (Cf. M. J. PIORE et SABEL : Les Chemins de la Prospérité). La prise de conscience de l’importance de l’artisanat dans le développement économique par les forces propres s’est faite au contact professionnel avec ce secteur depuis 1967. A cette date, il est devenu pour nous une seconde nature. Dans cette modeste contribution, notre pensée va à Farouk Nadi(3) et à Mouloud Hachemane(4), l’un au niveau de l’administration centrale et l’autre au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou, valeureux soldats de la cause, qui ne sont plus de ce monde pour partager avec nous les débuts de concrétisation des résultats des travaux de recherche que nous n’avons jamais cessé de mener ensemble et de publier, depuis 1974, soit dans les revues scientifiques spécialisées, actes de séminaires nationaux et internationaux, soit dans les différents journaux de la presse nationale, pour vulgariser l’intérêt de ce secteur auprès de l’opinion publique. Dans nos investigations, nous avons montré dans le détail ses bienfaits contre le chômage, la misère, le déséquilibre régional et tous les fléaux générés par la crise économique actuelle. Mais le fétichisme de l’époque pour « l’industrie industrialisante » avec ses usines « clef en main », « produit en main » et « marché en main », n’a laissé aucune place à une critique objective.

A cette époque, qui pouvait oser parler de l’artisanat sans être taxé de porteur d’idéologie capitaliste à abattre ? Les rédacteurs (coopérants français) du plan triennal 1967- 1969, l’ont condamné comme un virus congénital incapable de toute évolution que seules l’industrie lourde et la grande entreprise sont en mesure de sortir l’Algérie du sous -développement. En 1971, une commission tripartite composée des représentants du plan, de l’industrie, de l’intérieur avait élaboré un état des lieux pour servir de base de travail aux assises qui devraient avoir lieu à l’époque, en 1973. Le défunt Ahmed Medeghri allait, en 1974 même, créer un commissariat national à l’artisanat et à la PME, mais sa mort subite, imposée par l’adversité, avait mis fin à toute tentative de le sortir de l’oubli. Il y a lieu de rappeler les querelles vives qui s’enflammèrent au sein du bureau et du comité central de l’ex-parti unique portant sur les définitions confuses de la « propriété exploiteuse » et de la « propriété non exploiteuse » et de la bourgeoisie compradore. Dans les dialogues avec les autres, nous avons même eu droit à des étiquettes peu flatteuses. A l’époque, on nous traitait de révoltés, d’incompris, de nageurs à contre courant, de réactionnaires, de disciples de Kaïd Ahmed, d’Ahmed Medeghri. Pourtant, chez les grands économistes, idéologues socialistes ou capitalistes, l’artisanat est considéré comme un facteur régulateur du dysfonctionnement économique (Marx, Engels, Raymond Barre). Notre amour pour l’artisanat provient de ses hauts faits historiques comme bâtisseur des grandes civilisations (nubienne, pharaonique, persane, chinoise, musulmane, maya) dont les vestiges sont très visités et admirés de nos jours ; de bastion de formation des sociétés d’entrepreneurs et de donneurs l’ordre, c’est-à-dire du travail ; de géniteur de la révolution industrielle de l’Europe du XVIIIe siècle. Nul ne peut contester que cette révolution a été faite par des artisans analphabètes, de Lancashire et de Yorkshire ( Angleterre).

Plus près de notre époque, les USA -les plus puritains du monde chrétien développé- porteurs de valeurs modernes et le Japon boudhiste aux valeurs traditionnelles, sont devenus des puissances économiques et technologiques incontestables dans le monde grâce à leur artisanat. Nous avons pris ces deux pays en exemple, car ils reflètent mieux l’apport de l’artisanat dans le succès de leurs économies. Pour le Japon, beaucoup d’économistes et sociologues occidentaux soutiennent que la manière de vivre des Japonais est opposée à la créativité et à l’entreprenariat. Selon ces publicistes, les Japonais vivant dans des clapiers ne sont capables uniquement que de procréer des enfants et de les tuer ensuite. Les pays occidentaux imposèrent à l’époque au Japon un régime d échanges draconien. En moins d’un demi-siècle, le Japon non seulement ressuscita de ses cendres, mais du degré zéro passa à une économie de l’intelligence grâce à ses artisans. Ces derniers sont appelés les « drogués du travail ». (cf. J. S. Scherber : Le Défi Mondial). Pour les USA, Nicolas Jéquier, chercheur émérite à l’OCDE (cf. La Technologie appropriée, problèmes et promesses) a qualifié ce pays de modèle de l’artisanat et de la PME. Henry Ford, cet artisan mécanicien, est sans doute le père incontesté de l’industrie automobile américaine. À l’indépendance, les USA furent soumis à un embargo des plus sévères par les Anglais, leurs anciens colonisateurs. Les USA avaient peu d’artisans et leur population est rurale. Benjamin Franklin a adressé une lettre aux artisans du monde entier les invitant à rejoindre les USA. Ce qui est important à souligner c’est qu’après un quart de siècle, les Américains, grâce à l’artisanat, ont produit tout ce dont ils ont besoin et exporté le surplus aux quatre coins du monde. L’artisanat a donné à l’Amérique les meilleurs entrepreneurs et talents créateurs du monde. Les pays européens ont acquis leur puissance également grâce à leur artisanat.

Nous avons dit à maintes reprises que les puissances actuelles qui nous maintiennent dans l’état de dépendance et l’assistanat ont travaillé de leurs mains pour avoir des idées. Ces pays n’ont aidé aucun pays à voler de ses propres ailes. La Tanzanie qui a reçu le plus d’aide extérieure, reste le pays le plus pauvre de la planète. Aucun pays puissant n’a montré jusque-là à un pays faible comment devenir puissant économiquement. Au contraire, de son stade de pauvreté on le pousse à devenir uniquement un prédateur, un rat. La Chine, depuis qu’elle a rompu ses relations avec l’ancienne URSS, est promise aujourd’hui à surpasser les USA grâce à son économie basée sur l’artisanat. L’Inde, sur les traces des puissances économiques, a toujours privilégié l’artisanat dans sa stratégie de développement. D’ailleurs le rouet est l’emblème de l’Inde. Nous n’en voulons pas aux pays occidentaux qui ont bâti leur puissance sur la spoliation de nos richesses et par leur artisanat et qui présentent ce dernier aux yeux de nos décideurs sous un visage hideux de technique vieillotte, surannée proche de la période néolithique. Les Debernis, les Tiano, les Bobrowski, coopérants étrangers, pressentis comme conseils de nos technocrates « bien aimés » savent que le pétrole n’a jamais produit chez les pays producteurs des idées et seules « les techniques du corps font celles de l’esprit » (Marcel Mauss) ou « quand la main travaille, l’esprit réfléchit » (J Daway). Ces spécialistes étrangers ont conçu des stratégies en fonction des intérêts des puissances dont ils sont issus. L’expérience montre qu’à l’extérieur il n’y a pas d’amis. Un pays étranger n’aidera jamais un pays sous-développé à devenir son concurrent sur le marché. Le capitalisme est piégé par son égoïsme et du « chacun pour soi et Dieu pour tous » (Malthus). Par contre, il faut en vouloir à nos gouvernements qui s’accommodent bien de ces coopérants étrangers parce qu’ils ne sont pas dérangeants comme le sont les Algériens qui, eux, cherchent à comprendre dans le sens de l’intérêt général du pays. Voici maintenant près d’un demi-siècle que nous avons l’indépendance politique (confisquée), avec des richesses fabuleuses et des moyens financiers, des matières premières et des ressources humaines à faire rêver la planète entière. Notre pays n’est pas encore au rendez-vous même des pays émergents. Les conseillers étrangers avec les « Chicago boys » algériens n’ont jamais mis l’artisanat comme ingrédient dans « leur salade » car précisément il représente le savoir-faire : « comment pêcher le poisson » (Proverbe chinois).

Pour mémoire, notre économie, basée sur la rente pétrolière, a produit de piètres résultats :
- une société du « ventre », amorphe, qui « politique » beaucoup mais a des bras « cassés » ;
- un banc industriel gigantesque mais rouillé, en constante perfusion, qui a mis plus de 600 000 travailleurs à la rue dont 400.000 ont été repris par la PME et l’artisanat ;
- une agriculture bénéficiaire d’un programme colossal de soutien et qui contribue à peine pour 5% de la ration alimentaire de la population ;
- un déracinement des populations de l’arrière pays, entraînant des bidonvilles autour des villes saturées.
- une urbanisation sauvage et anarchique, ravageant les terres propres à l’agriculture. Par sa témérité et son endurance, notre artisanat a su survivre dans toute sa diversité et Dieu sait que cette diversité d’activités est immense comme l’est le territoire national. Bien sûr, nous sommes loin de l’époque numide où, impulsé par le vaillant roi Massinissa, notre artisanat a été des plus florissants. Rapporté par Polybe, Aristote, Pline l’Ancien et Hermippe, ses techniques rivalisaient avec celles de Rome. Nous sommes également loin de son âge d’or qu’il a connu du IXe jusque au début du XIXes siècle dont témoignent Yakoubi, El Maliki, les frères Khaldoun (Abderrahmane et Abou Zakaria), Elbekri, Ibn Batouta, Abou El Arab, Ibn Hidari, Léon l’Africain (Elouazan), Leroy Beaulieu, Stéphane Gsell, P. Ricard, Alfred Bell, Lucien Golvin et bien d’autres et sur notre industrie qui n’avait rien à envier à celle de l’Europe du XIXe Siècle (Leroy Baulieu cité par M. Lachraf : Algérie, Nation et Société). Notre artisanat, actuellement, engrange à peine un demi-million USD alors qu’au Maroc et en Tunisie ce secteur rapporte respectivement 2 milliards et 2,5 Milliards USD. Ces chiffres sont puisés dans les statistiques de la Banque Mondiale. Les sempiternels problèmes qui ont fait son hibernation, sa marginalisation, la castration de sa dynamique sont au nombre de sept :
- l’organisation administrative et juridique ;
- la fiscalité non adaptée à la spécificité du secteur ;
- l’approvisionnement ;
- la commercialisation ;
- le crédit ;
- la formation.

Nous ne doutons pas des compétences investies dans la préparation de ces prochaines assises pour sortir une stratégie à la mesure de sa dimension, mais dans le cas où il y aura des insuffisances, il n’est ni une honte, ni une humiliation à s’inspirer des expériences de nos voisins, marocains et tunisiens. Ce que nous savons, actuellement, des problèmes de notre artisanat c’est que la définition de son statut en vigueur date de la loi française du 26 juillet 1925 dite loi « Courtier ». L’environnement administratif l’assimile à un stakhanoviste et oublie qu’il est producteur (d’accord), mais pas comme les autres, En France, l’artisan a le titre de « Maître » et dans les pays arabes ou musulmans de « Mâalem ». L’un et l’autre signifient a la fois patron et formateur ; Il est aussi maître, libre de son activité de par sa compétence et son expérience. L’artisan ne s’épanouit que dans le cadre du système coopératif. Le produit de l’artisan n’a pas de patrie mais l’artisan en a une, c’est l’empreinte qu’il met sur son produit. Nous savons que les différentes structures étatiques existantes ont plus contribué à sa léthargie qu’à sa promotion. Créer des structures entièrement privées, celles-ci ne peuvent développer le secteur par leurs propres moyens. Seules des structures mixtes, avec, à leur tête une majorité représentative des professions, seront efficaces et peuvent répondre à la mentalité de l’artisan, à sa créativité et à sa liberté. Sans entrer dans le détail, nous voudrions juste dire que le fonctionnement de ses structures doit être financé par le budget de l’Etat et les cotisations des organisations professionnelles. L’approche « Nucléus », en cours d’expérimentation par la coopération Allemande GTZ, peut être d’un intérêt à son organisation par les forces propres.

Pour un meilleur encadrement, l’artisanat doit bénéficier d’une charte de l’artisan, d’un conseil consultatif ou d’un observatoire et d’une confédération nationale des artisans. De même que les ouvroirs des « Sœurs Blanches » doivent être réhabilités et encouragés. En matière de fiscalité, le produit artisanal est fortement imposé car il est considéré dans la réglementation comme un produit de luxe. A cause d’une fiscalité très lourde, Tlemcen, qui était fournisseur de l’ex-République fédérale allemande (RFA) pour 90% de sa production, a perdu totalement le marché en 1973 au profit des artisans marocains. Dans les années 70, de nombreux clients potentiels tels les USA, la Suisse, la France, les Pays-Bas, le Canada ont prospecté le marché interne, mais les prix trop chers les ont dissuadés. L’approvisionnement est devenu « un parcours du combattant » des artisans pour trouver la quantité et la qualité demandées. La commercialisation, ailleurs, c’est elle qui a fait l’essor de l’artisanat tunisien et marocain. En Algérie, mal organisée pour ne pas dire inexistante, elle laisse les artisans livrés à eux-mêmes face aux intermédiaires, ennemis jurés du secteur. En matière de crédit, le crédit spécifique n’existe pas. La loi capitaliste basée sur l’« On ne prête qu’aux riches » reste en vigueur (dans la pratique) en Algérie. Malgré toute une panoplie de dispositifs d’aide aux jeunes créateurs de la TPE, sur 10 dossiers, 8 sont rejetés. Le fonds de garantie existe, mais allez comprendre ? Dans le domaine de la formation, nous ne renions pas que le transfert de technologie se fait oralement de père en fils depuis la nuit des temps, mais actuellement, à l’ère des NTIC, du management, du marketing, de la téléphonie mobile, du laser, ce savoir doit s’apprendre dans des institutions de formation appropriées. L’apprenti à l’atelier est à l’école de la vie, de la pratique certes, mais rien ne remplace la théorie.

La théorie et la pratique et vice-versa, en se conjuguant, permettent à l’apprenant de s’initier aux techniques actuelles en vue d’une créativité « fait main » et « bio », adaptées aux goûts de notre temps. L’information et la formation sont les outils qui ont changé la face du monde en réduisant les distances. L’information a véhiculé le progrès. Elle est le deuxième pouvoir dans notre monde. Les Algériens eux-mêmes manquent d’information, à plus forte raison, l’artisan. Celui-ci vit en marge du monde à cause de l’absence totale de supports d’information,(« Journal des artisans », revue ou tables rondes à la télévision) qui informent sur « la sociographie » de ce secteur (Farouk NADI). Ces problèmes demandent donc des remèdes. Pour la production, l’approvisionnement et la commercialisation, le système coopératif, rappelons-le, est l’organisation la mieux indiquée. Sa fiscalité doit être la plus avantageuse et souple. En ce qui concerne le crédit, en plus de l’amélioration des dispositifs actuels, il y a lieu de mettre en place une banque spécifique à l’artisanat. En matière d’information, l’artisanat doit disposer d’une banque de données et de supports multimédia, à l’exemple de la France avec sa chaîne « Demain TV ». Au point de vue de la formation, en plus de l’existant, les chambres d’artisanat et des métiers (CAM) doivent prendre en charge cette formation par la création de centres de formation spécifiques et de centres-pilotes, à l’instar des chambres d’artisanat et des métiers françaises.

Au niveau du créneau supérieur, il y a lieu de créer une école supérieure des arts et métiers qui aura le rôle de productrice de l’encadrement, de recherches et développement sur les métiers disparus ou en voie de disparition ainsi que sur les innovations. Nous ne terminerons pas cette contribution sur l’artisanat, promoteur de forces de travail pour une compétition économique dans une croissance réellement équilibrée, sans la conclure par ce cri du cœur du défunt Mohamed Abderrahmani ancien rédacteur en chef d’Algérie actualité en juillet 1966 où il écrivait ceci : « Dans la lutte pour réduire les conditions sociales dans lesquelles l’homme est un être avili ,asservi, abandonné, pour tarir les sources du sous développement, la dépersonnalisation et le rythme monotone et infaillible de la mécanique sont autant de périls. Une société où les hommes, maîtres conscients du processus social, seront maîtres d’eux-mêmes et continueront à faire l’héritage reçu,voilà un impératif auquel doit se soumettre toute nation engagée dans la révolution industrielle. En portant un culte à l’oeuvre humaine, aux arts populaires traditionnels, on fera échec à ce que la machine tend à détruire en nous : le « sentiment, la chaleur de l’émotion créatrice ». `Que ce voeu soit exhaussé à travers ces assises pour nous débarrasser de cette « machine » (qui) a gagné l’homme, l’homme s’est fait machine, fonctionne mais ne vit plus » (O. Spengler : Le Déclin de l’Occident)

Notes de renvoi :

(1) - Lire le Soir d’Algérie du 8 Avril 2009. (2) - Discours de monsieur le Président de la republique du 27/08/2008 (3) - Farouk Nad, Directeur central de l’artisanat depuis 1965 jusqu’à sa retraite en 2001, titulaire du diplôme de l’EHESS, Paris, titulaire du doctorat 3°cycle à L’EHESS, Paris. Les thèmes de ses thèses soutenues sont :
- Approche socio-graphique de l’artisanat algérien 1975-1976 ;
- Monographie de l’artisanat algérien : le cas de Tlémcen. Ces mémoires se trouvent à la bibliothèque de L’EHESS. (4)- Mouloud HACHEMANE, inspecteur de l’Artisanat à la wilaya de Tizi Ouzou, de 1965 jusqu à sa retraite en 1998, Titulaire du diplôme de L’EHESS de Paris 1979. Mémoire de sa thèse : artisanat de Kabylie, rétrospectives et prospectives.

- Ali Tehami : Ancien de l’organe central de planification, chargé de l’Artisanat et de la PME ; Titulaire du diplôme et diplôme d’études approfondies de l’EHESS de Paris. Mémoires : programme algérien des industries locales 1975, publié par SNED/OPU 1979 ; L’Artisanat algérien entre le passé et l’avenir 1977, non publié. Titulaire du magister à l’université d’Alger, 1992. Mémoire : les industries villageoises dans le développement national, 275 p. Auteur de plus de 150 articles divers liés à l’Artisanat, à la PME et au développement par des forces propres. Enseignant universitaire en retraite.

Consultant en organisation et gestion de l’entreprise, Juillet 2009


Par Ali Tehami

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