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samedi 26 septembre 2009

{« Au carrefour des réseaux protéiques complexes »}

Yacine Bounab, jeune neurobiologiste algérien, travaille dans l’un des centres de recherche de référence en biologie des systèmes, le centre Max Delbrück à Berlin (Allemagne). Sous la houlette du professeur Erich Wanker, Bounab et ses collaborateurs ont développé une stratégie bio-informatique pour créer une première « cartographie » de toutes les protéines responsables d’une dégénérescence neuronale. Ses travaux de thèse de doctorat paraîtront prochainement dans la prestigieuse revue britannique Nature.

- Dans quel cadre s’inscrit votre de travail de recherche à l’ère de la post-génomique ?

Historiquement, la génétique a vécu trois périodes distinctes mais néanmoins complémentaires. La première a vu l’élucidation et l’attestation de la molécule d’ADN comme vecteur de l’information génétique (excepté certains virus qui sont à ARN). La deuxième a permis de décoder les mécanismes moléculaires de l’expression et de la régulation de l’information génétique à l’échelle d’un seul gène. La troisième, dans le sillage du génie humain et génétique, a connu l’explosion des déchiffrements des génomes entiers des espèces, dont celui de notre propre espèce durant la dernière décennie. Donc, on est passé du dogme central un gène/une protéine/une fonction à une échelle beaucoup plus complexe d’interactions protéines-protéines qui reflètent la réalité des cellules. C’est la biologie des systèmes, l’autre grand challenge de la recherche biologique, qui met à contribution plusieurs disciplines. La cellule est comme une société : l’individu vit dans un espace où il y a d’autres individus avec qui il interagit positivement et/ou négativement, lie des affinités et subit même des répulsions. La protéine dans une cellule agit de la même sorte : elle interagit avec certaines protéines spécifiques qui lui sont nécessaires pour exercer une fonction sous forme d’un complexe, voire des réseaux beaucoup plus intriqués. L’altération d’une protéine donnée rompt cette organisation et chamboule le bon exercice domestique cellulaire, d’où l’émergence de pathologies. Dans notre modèle d’étude, la protéine Htt (voir encadré) mutée se trouve au cœur d’une dérégulation de son réseau d’interactions : formation d’agrégats toxiques dans les neurones du stratium, suppression de l’expression de 7 protéines et augmentation de présence de 7 autres protéines. Plus important : notre approche multiprotéiques d’établissement du réseau altéré dans la chorée d’Huntington (dégénérescence neuronale affectant les fonctions motrices et cognitives aboutissant à une démence) nous a permis de révéler des modulateurs de la maladie jusque-là indétectables par les approches conventionnelles monoprotéiques. Les partenaires de Htt sont au nombre de 38 protéines responsables de 44 interactions dans la région cérébrale spécifique, le stratium, qui est la plus touchée par la mort des neurones dans cette pathologie héréditaire. Donc, plutôt la dérégulation du réseau protéique que la mutation de Htt à elle seule semble être responsable de la dégénérescence neuronale. Nous avons développé une stratégie bioinformatique pour créer, expériences sur le modèle animal fétiche des généticiens de la maladie à l’appui (Drosophilamelanogaster), une première « cartographie » de toutes les protéines qui interagissent, directement ou indirectement, avec Htt. Par exemple, la protéine CRMP1 que j’ai découverte s’avère être grandement réduite dans la dégénérescence d’Huntington. D’ailleurs, chez la drosophile, j’ai corroboré le rôle capital de CRMP1 en l’injectant sur cette mouche de fruit qui a pu inhiber la mort cellulaire programmée en présence de la protéine Htt mutée.

- Les applications de votre découverte…

Le but de la post-génomique moderne est d’analyser puis de cataloguer systématiquement toutes les molécules (protéines, ADN, ARN, et petites molécules) ainsi que leurs interactions dans une cellule vivante. Il est primordial de comprendre comment un ensemble de molécules en interaction les unes avec les autres détermine une fonction biologique. La mise au point de techniques de génération de données à haut débit (génomiques, transcriptomiques, protéomiques, métabolomiques, etc.) ainsi que la bioinformatique ont permis l’émergence de cette nouvelle approche interdisciplinaire de la biologie moléculaire. Maintenant, il est clair que les dividendes seront récoltés par l’industrie pharmaceutique pour atténuer, voire guérir, les affections neurodégénératives, surtout dans la mesure où la complexité du cerveau avec ces 100 trillions de synapses nécessite des outils d’exploration qu’on est en train d’affiner.

- Vos perspectives d’avenir ?

Dans le cadre de mon stage post-doc (chargé de recherche), intégrer en septembre le département d’immunologie de l’Institut Pasteur de Paris pour appliquer notre modèle d’interactions protéines-protéines de la chorée de Huntington sur deux volets : l’inflammation et l’allergie. L’inflammation se manifeste chez les personnes atteintes des maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer et Huntington), ainsi que de cancer. Aujourd’hui, l`espérance de vie a considérablement augmenté, conduisant à une augmentation du nombre de cas de maladies neurodégénératives. En outre, les changements climatiques, la pollution de l’environnement ainsi que l’alimentation de plus en plus industrialisée font que les allergies vont aller crescendo à l’avenir. Donc, l’analyse des réseaux protéomiques, ainsi que sa dynamique spatiotemporelle, impliqués dans les processus d’inflammation et d’allergie seraient un atout majeur pour comprendre puis contrer plus ou moins ces maladies émergentes. Le mastocyte (cellule du système immunitaire impliquée dans l’inflammation et l’allergie) se verra donc appliquer notre stratégie de cartographie des complexes et réseaux d’interactions protéiques. Donc, je suis au carrefour des maladies émergentes, pour caractériser les voies de signalisation intracellulaire.

- Comptez-vous apporter votre plus à l’Algérie ?

Bien sûr, autant que possible. Mais revenir en Algérie dans l’immédiat est, pour moi, surréaliste. Existe-t-il des moyens adéquats pour mener à bien la recherche ? J’en doute. J’ai été étudiant en Algérie (Tizi Ouzou et USTHB) pendant quatre ans. D’après ce que j’entends, rien de concret n’a été fait dans ce sens, dans la mesure où la théorie prime là-bas sur la pratique ! La recherche tarde à être valorisée dans notre pays pour le malheur de nos jeunes chercheurs, et au grand bonheur des pays étrangers qui nous harponnent ! Toutefois, je salue la bravoure de mes compatriotes algériens qui travaillent avec les moyens du bord.

Par Belkacem Meghzouchène

jeudi 24 septembre 2009

Quelle formation pédagogique du pharmacien en Algérie ?

Fascinées par le modèle de formation occidentale, nos facultés n’ont pas toujours su repenser leur programme et leur finalité. La vieille Europe qui se cherche encore dans ce domaine, nous a, d’une certaine manière, empêché de donner naissance à un enseignement pharmaceutique intégré à notre milieu.

Mais tous les universitaires algériens ne sont pas résignés. Bien au contraire, ils sont en train de réfléchir sur la réforme des programmes. Ils cherchent à établir une adéquation entre les besoins réels de notre pays avec le profil du pharmacien. En effet, le jeune pharmacien qui achève ses études se trouve confronté à des problèmes concrets auxquels il n’a jamais été préparé : problèmes de gestion, problèmes psychologiques, spécifiques à notre population, problèmes d’insertion dans l’équipe médicale à l’hôpital, problèmes liés à l’exercice de la profession dans des milieux déshérités, etc. Il s’agit donc d’avoir l’audace d’entreprendre, dans une première étape, une vaste campagne de consultation qui donnerait voix au chapitre à tous ceux qui peuvent formuler des idées nouvelles, capables de rapprocher davantage le pharmacien des réalités de son environnement algérien.
- Faut-il continuer à enseigner un programme appris dans les facultés européennes qui ne correspond en aucun cas à notre pathologie ?
- Faut-il dispenser des cours magistraux alors que dans certains pays des ateliers de recherche et de réflexion ont pris le pas sur les « amphis » du début du siècle ?
- Faut-il délivrer un diplôme unique de pharmacien pour des étudiants qui n’ont pas suivi le même cursus en Algérie ?
- Faut-il laisser en suspens et à titre d’exemple des travaux de thèses finalisées, soutenables et validées ? Si la formation continue devient une nécessité absolue pour toute personne assumant une responsabilité au sein de la santé publique, en particulier la formation des cadres au niveau de l’université, elle doit elle-même évoluer afin de s’adapter aux besoins de la société. En ce qui concerne l’Algérie, je peux dire que les professions pharmaceutiques ont pleinement joué leur rôle au service de la santé et de l’économie. Elles ont suivi le rythme du développement rapide qu’a connu le pays depuis l’indépendance. Pour situer le problème de la formation du pharmacien dans ce contexte, permettez-moi de donner un aperçu de la situation de la pharmacie et des pharmaciens en Algérie. Actuellement, plus d’un millier de pharmaciens exercent en Algérie. Leur répartition par secteur d’activité est la suivante :

- pharmaciens d’« officines » ;
- pharmaciens grossistes, répartiteurs ;
- pharmaciens biologistes privés ;
- pharmaciens assurant la représentation scientifique des laboratoires ;
- pharmaciens exerçant une activité technico-administrative ;
- pharmaciens des hôpitaux ;
- pharmaciens biologistes, hospitaliers ;
- pharmaciens résidents en biologie clinique et sciences fondamentales ;
- pharmaciens exerçant des fonctions diverses dans le secteur public ou semi étatique ;
- cadres des départements de pharmacie. Des textes législatifs font de la profession l’une des plus réglementées en Algérie. Ainsi, chaque confrère exerce dans un cadre juridique bien défini. La formation des pharmaciens exerçant en Algérie a été assurée traditionnellement et pour des raisons historiques à la faculté mixte de médecine et de pharmacie d’Alger-centre. Cependant, après l’indépendance, cette formation s’est quelque peu diversifiée. Des pharmaciens, quoiqu’en petit nombre, ont été formés dans les autres pays francophones, essentiellement en Belgique et plus rarement en Suisse. Il faudrait ajouter qu’un certain nombre de pharmaciens ont été formés en Algérie et quelques rares autres dans les pays du Moyen-Orient, notamment en Egypte, Syrie et Irak. L’enseignement de la pharmacie en Algérie, plus précisément à la faculté d’Alger, a débuté 15 ans avant la faculté de pharmacie de Paris. Cette faculté a déjà sorti 4 promotions, totalisant un nombre limité de pharmaciens algériens. L’enseignement prodigué est fortement inspiré des programmes des facultés françaises. La question qui se pose à nous et qui est à l’ordre du jour dans notre pays est la suivante :
- la formation de nos pharmaciens répond-elle à nos besoins, tant sur le plan qualifatif que quantitatif ?
- Dans quel sens cette formation doit-elle évoluer pour permettre aux professions pharmaceutiques de jouer pleinement leur rôle au service de la société algérienne ?

Les probèmes

On peut dire, sans risque de nous tromper, que le pharmacien sortant de la faculté trouve des difficultés énormes pour assumer ses responsabilités, quel que soit le domaine d’activité qu’il a choisi pour faire sa carrière. Ce qui montre qu’actuellement les études en pharmacie n’ont pas pour finalité de donner aux étudiants un métier, mais plutôt une formation de base qui est supposée suffisante pour permettre au futur diplômé d’exercer son art dans les différents domaines où il est réputé apte à exercer. Cette situation est le résultat du fait que, formés à l’étranger ou dans notre pays selon un modèle étranger, nos jeunes confrères acquièrent une formation qui, le moins que l’on puisse dire, ne répond pas à nos besoins. J’irai même jusqu’à dire qu’elle ne répond plus aux besoins du pays que nous avons pris pour modèle, car ce pays est en train d’étudier la réforme de ses propres études en pharmacie. Historiquement, les pharmaciens de l’ancienne génération ont été formés en France selon un modèle qui a été, depuis, modifié voilà une trentaine d’années. Le cursus des études en pharmacie commençait par une année de stage obligatoire dans une officine, sous la responsabilité d’un maître de stage. La dernière année d’études devait permettre à la faculté de juger à travers les examens définitifs de l’aptitude de l’étudiant de 5e année, à exercer sa profession de pharmacien et ce, en s’assurant de ses niveaux de connaissances, tant sur le plan théorique que pratique. Le développement extraordinaire des connaissances scientifiques et la nécessité d’inclure dans les programmes d’enseignement, d’une manière continue, les nouvelles acquisitions scientifiques et techniques, faisaient obligation, comme c’est le cas de nos jours, aux autorités administratives et universitaires de mettre au point des réformes touchant aux études en pharmacie. Il est bien clair que la réforme qui a été adoptée en France a sacrifié le côté « formation professionnelle du pharmacien », au profit de sa formation scientifique, car elle avait pour objectif de préparer les futurs diplômés à une carrière de spécialiste qui, en fait, n’était l’apanage que d’un nombre relativement restreint de diplômés. La majorité de nos jeunes confrères, surtout dans notre pays, se destinait à exercer dans l’officine qui se trouve être la première priorité pouvant répondre aux besoins de notre population. Il est, en effet, indéniable que dans les 20 premières années d’indépendance, c’est l’activité de pharmacien d’officine qui a absorbé l’écrasante majorité des pharmaciens.

Les diffcultés

Je citerai quelques exemples pour illustrer les difficultés qui existent actuellement pour les jeunes confrères pour affronter leur métier.

Un diplôme unique

- Dans le cas de l’officine

Le jeune diplômé n’est pas suffisamment formé pour affronter les difficultés d’installation, car il ignore tout des problèmes financiers et de gestion qu’il est obligé de résoudre pour pouvoir s’installer. Il se trouve complètement désorienté par des informations souvent contradictoires qu’il recueille auprès de différentes personnes : confrères aînés, banques, grossistes, administration... De plus, ignorant en général les notions inhérentes à la gestion des stocks de médicaments, il se trouve contraint de chercher un collaborateur qualifié pour l’aider dans cette tâche, ce qui est de nature à lui créer des difficultés, du reste légitimes, avec un confrère aîné qui voit d’un mauvais œil qu’un jeune pharmacien vienne lui débaucher son personnel, en infraction aux règles de déontologie pharmaceutique. Le problème le plus grave résulte incontestablement du fait que les facultés délivrent un diplôme unique pour des étudiants qui n’ont pas suivi le même cursus d’études. En effet, si l’on considère le cas d’un étudiant qui a choisi de suivre l’option biologie clinique, il suit en 5 années des cours et des stages qui l’éloignent complètement de ses camarades qui ont opté pour la filière « Officine ». La réglementation en vigueur fait que les diplômés, quelle que soit leur « pré-spécialité » ont les mêmes droits et, en particulier, celui d’exercer en officine. Or, pour celui qui a choisi la filière biologie clinique, sa formation le rend inapte à exercer en officine. Nous touchons là au problème de l’unicité du diplôme. Peut-on dire que trois pharmaciens formés chacun dans l’une des trois filières : Officine, Biologie et Industrie, ont une formation les habilitant à exercer à leur sortie de la faculté dans l’une des trois branches d’activité mentionnées ? Il est évident que la réponse est non. L’unicité du diplôme devra en réalité correspondre à une unicité de formation. Le deuxième exemple que je citerai est celui des jeunes confrères qui s’orientent vers la carrière de la pharmacie hospitalière que nous devons, pour beaucoup de raisons, développer en Algérie pour la rendre de plus en plus attrayante pour les jeunes diplômés. Malheureusement, le pharmacien diplômé, sortant de la faculté, se trouve complètement désorienté lorsqu’il est affecté dans un poste hospitalier. Il se trouve à l’hôpital comme « un corps étranger ». Ce problème n’existe pas pour les jeunes médecins qui ont été placés en stage en milieu hospitalier à partir de la fin de l’externat. Si on examine la situation des confrères étrangers qui ont suivi les mêmes études, on s’aperçoit qu’ils ont l’obligation, pour suivre la carrière hospitalière, de passer par l’internat, ce qui leur permet d’apprendre leur métier à l’hôpital. Par ailleurs, les facultés de pharmacie en France ont déjà corrigé cette insuffisance de la formation en instituant, depuis quelques années, un stage hospitalier obligatoire pour tous les étudiants en pharmacie, a partir des premières années de formation. Enfin, pour ce qui est de l’ouverture de l’enseignement pharmaceutique sur l’industrie, il faut aussi constater que la réforme n’a pas donné les résultats escomptés et ce, pour deux raisons essentielles qui sont inhérentes à l’industrie. En effet, les sociétés qui fabriquent des médicaments répugnent, en général, à recevoir des stagiaires ou, si elle les reçoivent, les cantonnent dans des activités de recherche qui leur sont en « général inutiles » sauf s’ils ont la chance d’être recrutés par ces mêmes entreprises. Par ailleurs, on peut constater, malheureusement, que pour les tâches de production et de contrôle, les industriels du médicament préfèrent recruter des ingénieurs qui sont mieux préparés que les pharmaciens pour les tâches de production ou les scientifiques qui sont plus spécialisés que ne le sont les pharmaciens dans l’utilisation pour le contrôle de médicaments de techniques et d’appareillages de plus en plus sophistiqués. Après cette étude critique sommaire de la situation, il s’agit pour nous d’étudier les voies et moyens nous permettant de proposer une réforme des études en vue d’améliorer la formation des pharmaciens dans notre pays.

La réforme

Pour arriver à de bons résultats, il serait nécessaire de discuter et de répondre à un certain nombre de questions qui sont de nature à permettre à tous les pharmaciens d’accomplir au mieux leur mission, quel que soit le domaine d’activité qu’ils auraient choisi pour assurer leur carrière.

1) Comment arriver à réaliser une bonne formation du pharmacien d’officine dont le rôle essentiel est d’assurer le contrôle des prescriptions et la délivrance des médicaments ?

2) Comment concilier entre la dispense d’une formation pluridisciplinaire théorique dans les domaines de la synthèse, de l’extraction des molécules actives, de la mise en forme pharmaceutique et un contrôle des effets des médicaments et de placer, en même temps, l’étudiant en position d’appliquer son savoir théorique et d’évaluer ses compétences face à un homme malade recevant des médicaments ?

3) Comment concilier cette formation théorique et intégrer l’étudiant en pharmacie dans une équipe hospitalière pour acquérir le savoir-faire et un certain comportement, voire une conduite à tenir vis-à-vis du malade ? Ne faudrait-il pas penser à une formation cohérente et suivie pour les pharmaciens des hôpitaux ?

4) Comment concilier la formation théorique et pratique du pharmacien pour être en mesure de revendiquer une place de choix dans notre jeune industrie pharmaceutique qui a besoin de se développer et de s’affirmer, tant sur le plan national que sur le plan international ? Beaucoup d’autres questions touchent aux autres aspects des activités du pharmacien dans notre société en évolution constante. Je citerai en particulier le cas de la biologie clinique, celui de la bromatologie et de la cosmétique et de la chimie thérapeutique, sans oublier que cette dernière activité est en pleine expansion. A mon sens, il s’agit, pour nous, de proposer une solution qui nécessite obligatoirement un choix entre deux conceptions. Je me refuse, évidemment, à envisager une certaine conception qui consisterait à dire que la faculté dispense un enseignement qu’elle juge nécessaire pour la formation du pharmacien, sans se soucier de l’avenir du jeune diplômé et de son insertion dans la société qui a fait des sacrifices pour assurer sa formation et qui est en droit d’exiger de lui de se mettre à son service. Donc, les facultés de médecine devront, a priori, assurer la formation de cadres pharmaceutiques pour répondre aux besoins actuels de notre pays.

Quelle orientation ?

Quelles sont les orientations qu’elles doivent donner à leur enseignement pour accomplir cette mission ? Il est nécessaire de rappeler un certain nombre de constatations. Tout d’abord, la tendance de l’écrasante majorité de nos jeunes diplômés à solliciter un emploi au terme de leurs études universitaires, qui durent en général 5 ans après le baccalauréat. Les raisons de cet état de fait sont multiples, tout à fait défendables et il serait trop long de les expliquer... La deuxième constation que l’on peut faire, c’est la tendance à acquérir, durant les études universitaires, une formation de plus en plus spécialisée. En d’autres termes, la tendance à ce que, au terme de 5 ans d’études à l’université, l’étudiant acquiert un diplôme qui le rend apte à exercer immédiatement un métier dès sa sortie de la faculté. Ceci étant, quelle serait la solution à retenir pour la formation de nos pharmaciens ? Le débat, en fait, tourne autour de la finalité de l’enseignement pharmaceutique. Il faudrait donc répondre à la question suivante : les facultés de médecine doivent-elles continuer à assurer un enseignement théorique pluridisciplinaire et corriger les insuffisances dont j’ai cité quelques exemples, ou bien modifier leur vocation dans le sens de la formation de pharmaciens ayant déjà acquis une spécialisation durant le cursus normal des études ?

La première solution exigera, pour être réalisée, deux conditions :

1) l’allongement de la durée des études d’au moins une année.

2) La création d’enseignements spécialisés. Ce qui suppose que le pharmacien spécialiste aura à faire des études durant une dizaine d’années après le baccalauréat. La deuxième solution entraînera obligatoirement l’abandon de la notion d’unicité de diplôme mais aura l’avantage de permettre une formation permettant au futur diplômé d’être en mesure d’exercer convenablement une responsabilité dans un domaine pour lequel il a été bien formé. Dans cette hypothèse, on s’habituera à une nouvelle terminologie pour désigner les membres de notre corporation et on parlera de pharmacien d’officine, pharmacien d’industrie, pharmacien analyste, pharmacien clinicien... Cette deuxième solution suppose un plan national de formation des pharmaciens et une orientation des étudiants dans les différentes filières de formation, en fonction des besoins du pays et une souplesse dans la conception des programmes, en vue de créer autant de filières spécialisées que l’exige le développement de nos activités professionnelles. Il est évident que pour chaque type de diplôme, il est nécessaire d’obtenir obligatoirement certaines unités de valeur, avec possibilité d’avoir des options, au choix de l’étudiant. Ainsi, pour un futur pharmacien d’officine, en plus des unités de valeur de pharmacie et de pharmacodynamie, on peut choisir une unité de valeur de gestion, d’économie de santé ou de droit pharmaceutique. Ces mêmes unités de valeur seraient nécessaires pour un futur pharmacien d’industrie. Ce type d’enseignement a ainsi l’avantage de permettre des passerelles et un étudiant ayant au départ choisi une filière et qui voudrait changer d’orientation n’a qu’à s’inscrire dans les unités de valeur qui lui sont nécessaires pour obtenir son diplôme dans la nouvelle orientation. Pour conclure, je dirai qu’il ne peut exister une solution parfaite, c’est-à-dire une solution susceptible de recueillir l’accord de tout le monde : université, corps professionnel, administration. Il est nécessaire de fixer, dès le départ, la finalité de l’enseignement de la pharmacie dans notre pays, en rapport avec son évolution, ses besoins et ses moyens. Il sera alors possible de discuter de toutes les solutions possibles, d’évaluer les avantages et les inconvénients de chacune d’entre elles pour en adopter une seule, sachant que dans un monde en évolution constante, cette solution sera plus ou moins vite dépassée et à son tour discutée et remise en cause pour être adaptée à cette évolution. Et enfin, les problèmes de contenu des programmes, problèmes de méthodologie et bien d’autres méritent une large participation de tous les confrères. Méditons ensemble cette affirmation d’Einstein : « L’imagination est plus importante que la connaissance ».

Par Yahia Dellaoui

mardi 22 septembre 2009

La bonne gouvernance dans le sport

Les travaux de recherche déjà réalisés et présentés par les différents groupes de travail qui se sont succédé dans les différentes occasions sont de haute facture et méritent amplement à ce que l’on s’y attarde, car ce thème est réellement névralgique pour le développement du sport.

Il est plus qu’évident que la problématique de la bonne gouvernance a été cernée avec le plus grand soin et permettra aux dirigeants et techniciens du sport d’adopter des schémas directeurs, névralgiques pour le bon fonctionnement des associations sportives. La réflexion engagée aujourd’hui aura pour objectif, à notre humble avis, de dresser un état des lieux en élaborant une stratégie permettant au mouvement olympique et sportif de codifier la bonne gouvernance et de cerner, dans le même temps, les instruments de management indispensables à sa gestion. Devenue phénomène de société, la pratique sportive s’est considérablement développée au cours de ces dernières années. Parallèlement, le rôle du mouvement olympique et sportif a connu des évolutions importantes qui le placent au rang des industries du millénaires. Il s’agit de rester vigilants et de veiller à ce que ce mouvement demeure en accord avec les fondements d’éducation et d’excellence, dans l’effort et la persévérance, même s’il est accompagné de plus en plus d’effets lucratifs et médiatiques.

Une autre préoccupation concerne les principaux enjeux auxquels le mouvement olympique et sportif sera confronté, dans les années à venir, pour mieux l’outiller et le préparer à y faire face. Les orientations et les innovations qui ont été proposées et qui devront être finalisées, doivent s’inscrire dans une logique d’attribution au mouvement olympique et sportif de la qualité de « mouvement représentatif majeur de la société ». Le mouvement olympique et sportif doit réaffirmer son attachement permanent à la pratique du sport de masse et de l’élite ainsi qu’à son unicité, au-delà des différences qui le composent. La solidarité et la richesse humaines dans la diversité garantissent l’avenir et préservent les valeurs indispensables de courage, de respect, de l’authenticité et de la recherche de l’excellence. Il est toujours utile de rappeler que le sport est un nouveau droit de l’homme, qu’il contribue à son développement et à son émancipation. Il constitue un élément fondamental pour l’édification d’une société moderne, généreuse, vivant en paix et en parfaite communion entre ses membres. Le sport s’édifie indéniablement sur la volonté humaine.

Souvenons-nous aussi de la devise du CIO qui dit que « Le meilleur est en nous » et projetons-nous vers cette réflexion pour impulser au mouvement olympique et sportif une autre dynamique et créer les conditions favorables de sa conduite. Dans cet ordre d’idées, nous apprécierons les aspects liés à la dimension économique, à l’éthique et à la morale sportives ainsi qu’aux avantages de la bonne gouvernance dans le domaine du sport et qui sont fidèlement relatés dans l’exposé qui nous a été transmis. Nous tâcherons de définir des modèles appropriés en matière de management du sport et de définir ses outils de gestion de façon à limiter les coûts et à optimiser l’utilisation des ressources humaines et financières.

Concernant le volet qui porte sur les questions des limitations de mandats, ceci nous amène, inéluctablement, à nous élever contre cette alternative qui suppose que l’on cherche à créer, au sein des associations sportives dans une partie du monde, une limitation des libertés individuelles et collectives. En effet, limiter le mandat de l’élu peut être contreproductif, en ce sens qu’un élu dont on décide, pour le principe, de la durée et de l’action, ne pourra la mener à son terme, surtout dans les pays où le développement et la promotion de politiques sportives relèveraient, au vu de l’immensité de la tâche et de la faiblesse des moyens, du long terme. Limiter le mandat de l’élu est également injuste, dès lors que la limitation ne concernerait que le secteur des sports alors que les autres associations ne sont pas soumises à une telle règle. D’ailleurs, les lois, en général, ne limitent pas le nombre de mandats des élus aux assemblées parlementaires et aux mairies dans le monde. On serait alors en droit de poser la question légitime qui ferait du domaine olympique et sportif un cas particulier de limitation des libertés individuelles et collectives.

C’est là, assurément, une vision qui heurterait les principes constitutionnels de tous les pays du monde et qui, de notre propre avis, ne favoriserait pas la continuité dans l’action en faveur des collectifs et des électeurs. Il suffit, pour étayer notre propos, de relater les splendides expériences de leurs Excellences MM. Jacques Rogge, Juan Antonio Samaranch, Mario Vaquez Rana et tant d’autres responsables. L’œuvre incommensurable qu’ils ont accomplie et qu’il leur reste à perpétuer nous incite à la suppression de la limitation des mandats, surtout pour les très honorables fonctions de président du CIO, de président de l’ACNO et des présidents des Fédérations internationales qui, sans nul doute, ne pourront, par cette disposition, mener à terme les travaux colossaux et les défis qui les attendent. Il y a lieu, en effet, de souligner que toute durée restrictive de mandats ne permet même pas l’exécution de perspectives à moyen terme. Pour la majorité des associations sportives dans le monde, un mandat ne suffit qu’à définir des plans d’action rationnels et efficients, mais point à les mettre à exécution.

L’alternance doit tout de même être envisagée car le renouvellemept des élus garantit l’émergence de nouvelles idées. EIle doit cependant être partielle et surtout ne pas empiéter sur l’esprit démocratique qui doit absolument être préservé dans les associations, car l’on doit également s’atteler à perpétuer une continuité et une stabilité dans la planification et la réalisation des actions projetées. La définition de la bonne gouvernance, avancée aujourd’hui par des spécialistes, décrit celle-ci comme un mode de fonctionnement fondé sur des principes dont l’application aide à éviter les dérapages et protège contre la centralisation et la concentration du pouvoir entre les mains de personnes ou groupes attirés par des intérêts privés au détriment de l’intérêt général. Ces principes, définis comme les plus consensuels, sont la transparence, la participation, la responsabilisation et l’imputation de dépenses conforme à la réglementation. L’objectif de la bonne gouvernance appliquée au sport est censé être identique pour toute organisation, y compris l’association sportive. L’efficacité dans la réalisation des objectifs et l’efficience dans l’usage des ressources disponibles impliquent l’organisation, l’optimisation dans la gestion des ressources et la rigueur dans l’application des règles. Lorsqu’il s’agit de gérer les affaires d’une association sportive, les dimensions organisationnelle, managériale, éthique et technique ne suffisent pas à elles seules pour la réalisation des objectifs. Il faudra leur ajouter les dimensions humaine et sociale.

Cet enseignement est tiré de l’analyse de nos expériences accumulées au sein du mouvement olympique et sportif. L’analyse des expériences individuelles peut paraître subjective, mais les problèmes occasionnés par l’incohérence et les négligences appuient l’aspect objectif de l’analyse et édifient sur la marche à suivre en matière de gestion, d’organisation et de fonctionnement des associations sportives. La bonne gouvernance constitue le principal vecteur pour assurer un fonctionnement optimal et une évolution positive permettant aux personnes habilitées de disposer d’outils et de mécanismes facilitant la transparence, la cohérence et l’esprit d’initiative.

Notre contribution aux travaux de ce congrès concernera aussi l’éthique et la morale sportives dans la bonne gouvernance. Ceci nous ramène aux préceptes de valeur et de dimension humaine faisant du sport une priorité sociale et éducative qui favorise l’émergence d’une nouvelle élite et d’une synergie de développement axée sur l’effort et l’excellence dans la performance. Le mouvement olympique et sportif joue un rôle prépondérant pour l’équilibre et la stabilité sociale. Sa composante humaine regroupe des hommes et des femmes de différentes couches sociales et de différents horizons qui mettent tout leur savoir-faire au service exclusif de l’intérêt général et surtout des plus jeunes. En conclusion, ils sont animés par la volonté de développer à la fois la promotion du sport, la lutte implacable contre toutes les dérives de quelque ordre que ce soit qui menacent notre jeunesse, la promotion de l’éthique, de la morale sportives et du fair-play, la propagation de l’éducation et des idéaux olympiques, la lutte contre toute forme de violence, de racisme, d’antisémitisme et de discrimination. Notre participation inclura aussi les avantages de la bonne gouvernance sous différents aspects.

- Au plan de la cohésion sociale : ces avantages sont très prononcés, car le sport renforce considérablement la cohésion sociale puisque les pratiquants sont appelés à intensifier les échanges entre eux. Ceci améliore leur capacité à entretenir des relations interpersonnelles, en jetant les bases de relations de confiance et en développant l’esprit d’équipe. Le sport agit en favorisant le regroupement de personnes qui constituent des réseaux sociaux bien définis et qui encouragent l’ouverture vers les autres. Le sport donne aux sportifs de tous les âges des occasions de participer activement à la collectivité, d’apprendre la responsabilité et le respect des autres.
- Au plan socioéconomique : les dépenses des ménages, au profit du sport, ont un impact important pour l’économie d’un pays. En effet, on considère que, dans les pays développés, les dépenses liées au sport atteignent 1,5 à 3% du Produit intérieur brut (par exemple, au Canada, 1,2% du PIB qui s’élevait en 1984 à 1,3 billion de USD). Les dépenses au chapitre du sport augmentent chaque année de manière significative et font dire à certains économistes de renom que le « sport est l’industrie du millénaire ».

Ceux qui dépensent le plus participent aux sports de différentes façons. Ce sont, notamment, les bénévoles et les amoureux du sport qui lui consacrent la majorité de la part de dépenses. Ils participent, en effet, à différents titres (participants actifs, spectateurs et bénévoles) par des achats importants, comparés aux autres besoins de même nature, en variétés et en produits. Aux Etats-Unis d’Amérique, on considère que les ménages dépensent environ 3% de leurs revenus supplémentaires pour le sport (activités, services et achats) et que ces dépenses sont optimales pour les couples avec deux enfants, même si elles accusent une tendance à la baisse due certainement à l’augmentation des dépenses essentielles. Les ménages ont consacré globalement 15,78 milliards de USD au sport, en 2004 au Canada, soit 1,2 % du PIB.
- Au plan des constantes d’une nation : la solidarité, l’amour de la patrie, l’attachement aux constantes de la nation et le civisme doivent constituer les armes essentielles de la lutte contre tous les fléaux. Ces valeurs représentent l’instrument principal de l’émancipation et du développement d’une société progressiste, moderne. Elles permettent également de dissiper toute interprétation tendancieuse du fonctionnement et de l’organisation des associations.

La confiance et la bonne conduite des affaires seront le résultat primordial obtenu par une bonne gouvernance. Il sera ainsi instauré une sérénité spontanée entre tous ses membres et un état d’esprit plus constructif. L’union des acteurs et partenaires sera le principal levier en position d’assurer le développement des activités et des actions. La détermination et les convictions en seront grandement renforcées.
- Au plan humain : la bonne gouvernance est, avant tout, soumise à certaines conditions permettant d’assurer des actions dont la réussite est basée sur les compétences des personnes qui en ont la charge, considérant celles-ci dotées des capacités intellectuelles et morales requises et d’un potentiel d’expériences approprié. Les élus doivent, à cet effet, être choisis par les membres électeurs de l’association en fonction de critères bien établis que l’on peut énumérer comme suit :
- • esprit de bénévolat et disponibilité ;
- • qualités morales et intellectuelles ;
- • compétences et expérience ;
- • sens de la responsabilité et esprit d’équipe ;
- • désintéressement par rapport au profit personnel ;
- • sens de la réussite.

Dans l’espoir d’avoir apporté une modeste contribution, je vous remercie de votre aimable attention.

L’auteur est 1erV/PT Acnoafricains, Ex-joueur de l’ENA de basket-baIl, diplômé de l’INC, Master en management international, agent général en assurances, député

Par Mustapha Berraf

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